« Les Malvenus » d’Audrey Brière est un roman policier qui se déroule dans un petit village de Bourgogne, en 1917. Le corps d’un des habitants, Thomas Sorel dit TS, est retrouvé dans la cave de sa belle-mère, égorgé. Qui a tué cet homme que beaucoup de gens haïssaient? L’inspecteur Matthias Lavau, qui comme la victime, a grandi à l’orphelinat local, dirigée par la Sœur Marie, mène l’enquête, secondé par l’énigmatique Esther Louve…
Je suis ressortie mitigée de cette lecture, qui comporte pourtant de nombreuses bonnes idées. J’ai aimé l’ambiance rurale teintée de conte gothique avec l’orphelin trouvé dans la neige, l’aristocrate, le loup, les lourds secrets, le couvent. J’ai également trouvé que le duo d’enquêteurs tirait bien son épingle du jeu, entre Matthias l’hypermnésique, formé par Bertillon, et Esther son adjointe atypique. Mais tout est un peu too much dans ce roman, qui aurait sans doute été plus impactant s’il avait été mieux canalisé : le nombre de suspects, le nombre de sous-intrigues, et même les secrets du passé – ce qui est arrivé à Esther est tellement horrible – et long, surtout! qu’il ne semble pas vraiment crédible qu’elle ait pu entretenir ses facultés physiques, intellectuelles et mentales, et se relever d’un tel drame pour trouver sa place en tant que femme, venant de nulle part et traumatisée, dans un milieu à l’époque essentiellement bourgeois et masculin.
Malgré mes bémols, il y avait assez d’éléments intéressants dans ce livre pour me donner envie d’enchaîner avec le second tome, « Mauvais Cœur ». L’intrigue se déroule en 1922, dans une communauté ouvrière du Nord de la France, le Familistère. L’institutrice a été retrouvée assassinée dans son logement et c’est Matthias Lavau qui mène l’enquête. Alors qu’il n’a plus de nouvelles depuis qu’elle l’a quitté brutalement deux ans plus tôt, Esther Louve réapparait brusquement, car un élément de l’affaire, la découverte d’un papier sur lequel est inscrit « je vous pardonne », est commun à une autre enquête sur laquelle elle a travaillé.
Le fait de mettre de la distance avec la région originelle du duo permet à l’autrice de mieux trouver ses marques avec une intrigue toujours foisonnante mais qui m’a semblée plus structurée. Le lieu choisi pour abriter l’histoire, le familistère de Guise, est particulièrement intéressant, et apporte une vraie valeur ajoutée au roman, qui occupe pleinement sa place de polar historique. La thématique du conte gothique est légèrement moins marquée que dans le premier tome, mais toujours présente, et j’ai aimé le lien qui se crée avec l’histoire précédente – certains lecteurs ne seront peut-être pas convaincus par la résolution, mais j’y ai vu une influence de la série « Dexter » dont je suis fan, et je l’ai appréciée.
Je serai donc ravie de retrouver l’autrice pour un troisième tome !
Les Malvenus : en poche chez Points, 336 pages.
Mauvais Coeur : publié en Février 2025 au Seuil, 384 pages.