Au café de la ville perdue – Anaïs Llobet

Je pensais découvrir Anaïs Llobet avec « Des hommes couleur de ciel » dont j’ai entendu le plus grand bien, mais c’est finalement sa parution la plus récente « Au café de la ville perdue » que je lis en premier.

Une autrice française vivant à Chypre rencontre, dans le café où elle a pris l’habitude d’écrire, la jeune serveuse qui y travaille, Ariana. Celle-ci lui raconte l’histoire de sa famille, qui habitait à Varosha, une station balnéaire réputée. Lorsque les Turcs ont envahi l’île, en 1974, les habitants de cette ville ont été expulsés et Varosha a été transformée en un no man’s land. Ariana ne rêve que de découvrir la maison familiale, au 14 rue Ilios, le jour où la ville rouvrira enfin, mais son père Andreas lui annonce qu’il a décidé de la vendre. Pour lui, cette maison est associée à des souvenirs douloureux : l’invasion des Turcs a sonné le glas du couple de ses parents, Ioannis, chypriote grec, et Aridné, chypriote turque. Aridné s’est enfuie avec un soldat turc, et Ioannis est parti vivre à l’autre bout du monde, laissant Andreas aux bons soins de sa tante…

Je savais bien sûr que Chypre était coupé en deux depuis 1974, mais je n’avais jamais entendu parler de cette histoire incroyable d’une ville « mise sous cloche » durant près de quarante ans. Le récit alterne entre l’époque contemporaine et des flashbacks qui nous font découvrir l’histoire de la famille dans les années 60 et 70.

J’adore les sagas familiales sur fond historique et politique complexe, ce que Pierre Jarawan fait par exemple très bien, et j’ai été parfaitement servie avec « Au Café de la Ville Perdue », où la toxicité des histoires d’amour et d’amitié fait écho à celle du contexte politique jusqu’au drame, et où la mémoire de l’adresse perdue s’encre sur la peau de la génération d’après. 

Un très beau livre, émouvant, porté par des personnages forts et inoubliables… à lire! 

Publié en Janvier 2022 chez L’Observatoire, 336 pages.

 

1 commentaire sur “Au café de la ville perdue – Anaïs Llobet

  1. Je m’intéresse à la Grèce et au sort de Chypre, j’ai donc été ravie de découvrir ce roman grâce à cette chronique, merci ! …
    Je suis en train de le lire !
    La division de Chypre est méconnue, le fait que la  » ligne verte » passe par Nicosie, également. Je connaissais la colère et la douleur des Chypriotes grecs qui ont tout perdu, lorsque les Turcs ont envahi et occupé le nord de l’île et qu’ils ont dû refluer dans le sud. Mais j’avoue que j’ignorais le sort de Varosha, (que je préfère appeler VAROSIA, en grec !) ,devenue zone interdite, réduite à l’état de ville-fantôme et laissée à l’abandon… Probablement pas pour longtemps, on peut supposer que les Turcs sont conscients du potentiel économique de cet ancien St-Tropez et craindre qu’ils la rouvriront à leur unique profit, ravivant la douleur des familles spoliées…
    Voir l’article ci-dessous. Sur une photo apparaît Pavlos Iakovou, qui pourrait bien être le Giorgos du roman !
    https://www.bfmtv.com/immobilier/international-etranger/varosha-une-ville-fantome-depuis-1974-pourrait-bientot-revivre-a-chypre_AN-201910270232.html

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