Le Joueur d’Echecs – Stefan Zweig

Étrangement, j’ai plus vu l’œuvre de Stefan Zweig sur scène que je ne l’ai lue. J’avais assisté à l’adaptation théâtrale du « Joueur d’Echecs » il y a longtemps, avec Francis Huster seul sur scène, mais je n’ai lu cette nouvelle que cette année.

Écrit en 1941 et publié en 1943, le texte se déroule sur un paquebot qui navigue de New York à Buenos Aires. Le narrateur et l’ami qui voyage avec lui sont fascinés par la présence sur le bateau de Czentovic, un champion d’échecs aussi doué que fruste. Tous deux réussissent à organiser une partie d’échecs contre lui. Un passager inconnu, M. B, leur prodigue d’excellents conseils. Ébahis devant son niveau, les deux amis s’interrogent sur son identité : est-il lui aussi un champion ? Pourtant l’homme leur révèle qu’il n’a jamais réellement joué aux échecs et que son savoir est lié à son arrestation par la Gestapo …

Stefan Zweig a écrit une histoire très ancrée dans son temps : nazisme, arrestation, harcèlement, exil … d’ailleurs il faut bien se rappeler que le livre date de la Seconde Guerre Mondiale, et donc sans le recul de l’après-guerre et ses révélations. Cela évitera de rouler des yeux lorsque l’homme dit qu’il aurait préféré être envoyé en camp de concentration plutôt que d’être mis à l’isolement dans une chambre d’hôtel …

Même si la destinée de l’homme est plutôt favorable – il n’est ni déporté, ni torturé, ni assassiné … – Zweig pointe la déshumanisation liée à la dictature nazie : l’homme est privé de contacts humains, de conversations, de culture, de stimulation intellectuelle et vit dans un complet isolement, dans une solitude totale… lorsqu’il trouve un manuel d’apprentissage des échecs, le jeu devient tout pour lui, un ami, un salut, un objectif.

J’ai pensé à « Vingt-quatre heures dans la vie d’une femme » : même si les deux histoires sont très différentes, il y a ce lien autour de la passion, la folie, l’obnubilation…

Une métaphore des dommages du nazisme qui, comme tout bon classique, reste toujours résolument moderne et actuel.

Publié au Livre de Poche, traduction, préface et commentaires par Brigitte Vergne-Cain et Gérard Rudent, 128 pages.

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