Oona et Salinger – Frédéric Beigbeder

 

Frédéric Beigbeder est un grand admirateur de Salinger, et tenta un jour dans le cadre d’un reportage d’interviewer l’écrivain reclus, avant de renoncer au dernier moment. Pour écrire sur son auteur fétiche, il choisit aujourd’hui une porte d’entrée inédite, sa brève histoire d’amour avec Oona O’Neil, la future épouse de Chaplin.

Alors bien sûr, c’est du Beigbeder: si vous recherchez un style littéraire digne de la Pléiade, passez votre chemin, si vous n’aimez pas les écrivains qui parlent d’eux dans leurs romans, ce livre n’est pas pour vous. Frédéric Beigbeder est amoureux, il vient de se marier avec une femme qui a vingt-cinq ans de moins que lui, et il a envie que ça se sache, et aussi sans doute de se rassurer en rattachant son histoire personnelle à des exemples illustres: Salinger sera connu pour son goût des très jeunes femmes – notamment Joyce Maynard – et Chaplin et Oona, nés à trente-six ans d’intervalle, vivront trente-quatre ans ensemble et auront huit enfants. Peut-être mon histoire personnelle y est-elle pour quelque chose, mais je n’ai trouvé la présence de Beigbeder dans le récit ni trop importante ni intrusive, et ses justifications de l’attirance des hommes âgés pour les jeunes femmes m’ont fait sourire…sans doute dirai-je la même chose des jeunes hommes quand je serai moi-même quinquagénaire.
Jérôme David Salinger, encore apprenti écrivain, rencontre Oona O’Neil, jeune it girl dans un bar de New York en 1940. Leur histoire d’amour sera brève: Salinger part à la guerre, et Oona rencontrera peu de temps après l’homme qu’elle épousera, Charlie Chaplin. Clairement, Beigbeder n’est pas dialoguiste, les échanges verbaux entre Oona et Salinger sont plats et téléphonés, et il n’est pas non plus un écrivain épistolaire: n’ayant pas eu l’autorisation par la famille Chaplin d’avoir accès à la véritable correspondance, il la réécrit, mais pas pour le meilleur.
En fait, paradoxalement, le livre m’a intéressé lorsqu’il ne parle pas de la relation entre Oona et Salinger- peu d’éléments existent et je n’ai pas senti Beigbeder très à l’aise pour créer de toutes pièces cette histoire d’amour. Je connaissais l’écrivain pour avoir lu « L’attrape-coeur » et vu la pièce « Sallinger » de Bernard-Marie Koltes dont il était l’inspiration, mais je savais très peu de choses sur sa vie, à part ses tendances à la réclusion. Son départ à la guerre, ses rencontres avec Hemingway, son stationnement à Paris, et surtout la libération de Dachau, à laquelle il a participé, donnent lieu à de très belles pages, tout comme le débarquement en Normandie. J’ai également apprécié les passages sur la jeunesse dorée new-yorkaise (où l’on croise Truman Capote et Gloria Vanderbilt) et sur Chaplin et le désamour progressif que lui portent les Etats-Unis en plein maccarthysme.
Ce n’est pas le roman du siècle, ni même celui de la rentrée littéraire 2014, mais j’ai trouvé ce livre agréable et distrayant, malgré les lourdeurs des dialogues. Beigbeder réussit à communiquer son amour de Salinger, et j’ai maintenant envie de me replonger dans l’oeuvre de l’écrivain américain, et d’en savoir plus sur sa vie et sur celle de Chaplin, qui fut également mouvementée et parfois mystérieuse.
6e contribution, donc 1% atteint dans le cadre du challenge 1% rentrée littéraire 2014 de Hérisson.
challenge 1% 2014      
Retrouvez ici l’avis des Bibliomaniacs sur ce livre à partir de début Octobre.
Merci à Emilie des éditions Grasset.

10 commentaires sur “Oona et Salinger – Frédéric Beigbeder

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