Il y a quelques jours j’ai reçu par la poste un roman graphique, « Comme Convenu » de Laurel. Je l’ai reçu par la poste non pas parce que je l’avais commandé en ligne, mais parce que j’ai participé au financement de son impression sur la plateforme Ulule.
Laurel est une dessinatrice et scénariste dont je suis le travail, et les aventures, depuis un bon paquet d’années. Nous avons à peu près le même âge, et comme moi, elle est originaire de Metz. Je ne la connais pas personnellement, mais nous aurions très bien pu nous croiser. Elle a publié de nombreuses bandes dessinées chez des éditeurs prestigieux (Glénat, Dargaud…) et est l’auteur de la série « Cerise », mais c’est surtout par son blog, où elle raconte sa vie, personnelle et professionnelle, et poste ses dessins que je la connais. J’apprécie tout particulièrement son humour, et son mélange de rigueur et de fantaisie.
Je possédais son précédent roman graphique, « Un crayon dans le coeur », à forte teneur autobiographique – une jeune auteure-dessinatrice, mère célibataire d’une petite fille et propriétaire de chats, qui raconte son quotidien et sa rencontre avec un étudiant en informatique un peu plus jeune qu’elle. J’ai donc sauté sur l’occasion de participer au financement de son nouveau roman graphique « Comme convenu », lorsque j’ai vu passer un post sur Facebook annonçant ce projet
Désormais mariée avec l’informaticien susmentionné, Adrien, Laurel a co-fondé un studio de jeux vidéos avec lui. Il développe, et elle s’occupe du graphisme. En 2013, ils ont eu l’occasion de partir en Californie pour co-fonder une start up de jeux vidéos et y travailler. C’est cette aventure mouvementée qui est la base de ce nouveau roman graphique. Laurel avait déjà publié sur son blog une bonne partie des planches lorsqu’elle a lancé le projet de financement participatif.
La campagne a été un franc succès, puisque l’objectif de 9000 euros a été atteint en…une heure ! C’est finalement 265 200 euros que Laurel a pu lever, grâce à près de 8000 contributeurs. J’avais choisi le pack à 27 euros, comprenant le roman graphique de 264 pages, mais aussi quelques petits bonus, comme des marque-pages et des autocollants. Laurel est une auteure reconnue, et ceci depuis plus d’une décennie, et son projet était déjà bien avancé, puisqu’une grande partie des planches avait été montrée sur le blog, deux bonnes raisons pour avoir confiance dans cette campagne et participer au financement.
Le résultat est vraiment de qualité, tant pour le livre en lui-même (couverture, qualité de l’impression, qualité du papier) que pour les goodies. Il y a eu quelques petits soucis de livraison et Laurel s’est vraiment impliquée pour les résoudre – attention, dans un financement participatif, la plateforme n’est pas responsable de la réalisation du projet donc il vaut mieux avoir à faire à un porteur de projet motivé et digne de confiance.
Le contenu de « Comme Convenu » est également à la fois passionnant et très intéressant, d’ailleurs je l’ai lu d’une traite après l’avoir sorti du colis ! Laurel nous y raconte son aventure californienne en famille, puisque sa fille de 12 ans part avec Adrien et elle. L’exil et le décalage culturel ne sont pas les seuls thèmes abordés, c’est surtout l’angle professionnel qui m’a vraiment intéressée. Laurel et Adrien débarquent en Californie pour travailler dans une start-up qu’ils ont cofondée avec deux autres investisseurs. Ils se retrouvent à travailler et vivre en famille au même endroit, une grande villa à Burlingame, non loin de San Francisco : un espace qui est à la fois leur maison et leur bureau…qu’ils partagent donc en permanence avec deux stagiaires, et ponctuellement avec les deux autres investisseurs, le dirigiste Joffrey et le sournois Luc.
Pour qui connait un peu le milieu de l’informatique et des start-ups, le parcours du combattant que nous raconte Laurel est le parfait manuel de ce qu’il ne faut surtout pas faire, et un avertissement sur tous les écueils que peuvent rencontrer de jeunes professionnels motivés et qui aiment leur activité lorsqu’ils se retrouvent dans un pays étranger, à des milliers de kilomètres de chez eux. Laurel et Adrien sont mus par leur passion pour le code et le graphisme, mais sont aussi néophytes lorsqu’il s’agit de contrats et de démarches administratives. Ils se retrouvent sans un sou en poche, le déménagement vers la Californie leur ayant coûté toutes leurs économies, avec un type de visa qui limite drastiquement leur activité, et à la merci des deux autres investisseurs qui, eux, ont l’argent, les connaissances du système et le pouvoir de nuisance nécessaires. Je ne sais pas à quel point les personnages sont réels, mais Joffrey et Luc ne reculent devant rien : chantage, menaces, tension permanente, et cette situation intenable d’être coincé entre le marteau et l’enclume : serrer les dents en espérant que le projet va décoller et ramener beaucoup d’argent, argent qui permettra d’avoir sa propre maison, de souffler un peu et surtout de pouvoir acheter un billet pour rentrer en vacances en France…ou se rebeller au risque de se retrouver sans rien, dépossédés du projet et sans un sou en poche pour acheter un billet d’avion pour la France. Outre cet aspect du roman, il y a toute l’aventure passionnante d’une famille qui se lance dans le rêve américain, qui investit toutes ses économies dans un projet qui lui tient à cœur, et qui est prête à travailler nuit et jours, toutes les semaines pour qu’il aboutisse. Toutes les étapes du projet sont présentées, la stratégie, les mises en production, les bugs, les succès et les échecs, les négociations avec Apple…et c’est vraiment très instructif. A offrir à tous ceux qui ont envie de monter leur start-up aux USA!
« Comme Convenu » de Laurel est un roman graphique qui m’a beaucoup plu à tout niveau de lecture. On ne peut que s’attacher à cette famille qui tente de réaliser son rêve dans la douleur. Je ne sais pas à quel point l’histoire est romancée, mais elle sent en tout cas le vécu, et toutes les situations sont bien assises, et les personnages, bien incarnés. Ce livre est le tome 1 d’une duologie, j’espère qu’il sera réimprimé pour ceux qui n’ont pas participé au financement mais qui aimeraient l’acheter, et aussi que le tome 2 sortira bientôt, car j’ai hâte de savoir comment l’histoire finira…
J’avais bien aimé sa série Cerise, si ce roman graphique sort un jour en librairie, je serais preneur.
Je ne suis pas sûre qu’il sortira en librairie ou alors dans un autre format (peut être les 2 tomes réunis ) mais ce serait bien qu’il puisse être commandé sur Internet
Ce projet-là est-il si différent de ses précédentes créations pour que ses précédents et prestigieux éditeurs n’aient pas voulu le publier ?
C’est vraiment chouette Ulule, ça lui a au moins permis de le mener à bien. J’avais modestement participé aussi à la création d’une très jolie revue littéraire pour enfants, Baïka.
Je ne pense pas que le projet ait été refusé par ses éditeurs habituels , d’habitude elle publie des BD et plutôt pour des juniors , là et le contenu et la cible étaient différents et je pense qu’elle a voulu tenter l’expérience de l’auto édition pour des raisons d’indépendance et peut être aussi des raisons financières (je pense qu’elle gagne plus en auto édition que dans le cadre d’un contrat )
Je ne connaissais pas du tout cette jeune femme et ton billet est très instructif – après je ne pense pas que le thème m’intéressera mais le financement participatif est effectivement parfois le « coup de pouce » nécessaire qu’on ne trouve plus auprès des banques. Contente que ce projet se soit concrétisé et qu’il réponde en tout à tes attentes.
C’est la première fois que j’entends parler d’un tel projet pour un livre (pour les films j’ai l’impression que ça se fait beaucoup plus ) vu la réussite du projet , clairement il y avait une attente – en tout cas ça incite à recommencer