Du bout des doigts – Sarah Waters

J’ai lu tous les romans de Sarah Waters et « Du Bout des Doigts » est mon préféré avec « Caresser le Velours ». Je l’ai d’ailleurs lu en VO sous le titre « Fingersmith ».

En 1862, Sue Tinder est une orpheline qui a été élevée par une famille d’escrocs, dans un quartier populaire de Londres. Un homme surnommé Gentleman lui propose d’escroquer  une jeune fille de son âge, Maud Lilly, une riche héritière, orpheline elle-aussi, élevée par son oncle, qui collectionne des ouvrages érotiques, dans un manoir. Sue entre donc au service de Maud… mais le piège n’est pas celui qu’elle croit.

On retrouve dans ce roman les deux composantes que l’autrice maîtrise très bien : l’époque victorienne et l’homosexualité féminine. D’ailleurs, je trouve que ses ouvrages qui ne contiennent pas ces deux thèmes sont moins réussis que les autres. Bien que ce soit un pavé (plus de 700 pages), le livre est accrocheur et passionnant. Les ambiances, contrastées, sont une réussite : Sue passe de l’Angleterre à la Dickens, populaire, miséreuse, animée, peuplée de pick-pockets, à un milieu aristocratique, froid, codifié, solitaire et lugubre avec Maud. Il y a un côté gothique dans ce roman, où l’on retrouve un manoir, un asile ou encore une bibliothèque, mêlé à une atmosphère érotique.

Si l’on retrouve dans « Du Bout des Doigts » un thème assez commun en littérature, une histoire d’amour entre deux êtres que tout oppose, celle-ci est renouvelée via l’angle lesbien, et aussi par le fait qu’elle est combinée à du suspense puisque le cœur de l’intrigue est une arnaque basée sur un jeu de dupes, ce qui est intensifié par l’alternance de narration entre Sue et Maud. La condition féminine est aussi un des thèmes abordés dans le roman : quel que soit son milieu social, on se débarrasse de la femme gênante, notamment en la plaçant dans un asile – un axe que l’on retrouve dans « Le Bal des Folles » de Victoria Mas, ou encore « L’Etrange Disparition d’Esmé Lennox » de Maggie o’Farrell.

Le livre est certes long, mais il se lit tout seul, porté par une intrigue inventive et machiavélique, avec beaucoup de rebondissements, des personnages attachants, et des descriptions très réussies. Je vous le recommande donc chaudement ! A noter que « Du Bout des Doigts » a été adapté en mini-série par la BBC, mais également en film, « Mademoiselle » de Park Chan-Wook, avec l’intrigue transposée dans la Corée des années 30 – une version décalée et déjantée qui vaut le coup d’œil !

Retrouvez l’avis des Bibliomaniacs dans l’épisode 82 du podcast littéraire!

Disponible en poche chez 10/18, traduit par Erika Abrams, 752 pages.

17 commentaires sur “Du bout des doigts – Sarah Waters

  1. Je suis en train de le lire pour la lecture sur l’époque victorienne du 11 juin. Pour le moment, je suis aux premiers chapitres et j’aime beaucoup cette histoire.

  2. Je l’avais beaucoup aimé aussi, par contre j’ai vu deux fois l’adaptation et je suis moins tombée sous le charme même si elle n’est pas mal.

  3. Que j’ai adoré ce roamn prodigieux d’une auteure non mins prodigieuse qu’est Sarah Waters.
    J’ai aimé cette construction à la fois maligne et intelligente de cette histoire à plusieurs voix.
    C’est brillant et écrit de façon magistral. Une écriture qui reflète parfaitement l’époque et le propos évoqué.

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