« Eleni », roman grec de Rhea Galanaki, nous raconte l’histoire d’Eléni Altamura-Boukouna, peintre du XIXe siècle, qui se rendit en Italie pour étudier la peinture et dût se travestir en homme pour suivre ces cours interdits aux femmes, sous le pseudonyme de « Personne ».
Le début du roman nous montre une jeune femme d’origine albanaise, vivant sur l’île de Spetses dont le père, capitaine de navire reconverti en directeur de théâtre, finit par encourager la passion pour la peinture en lui payant des cours puis en l’emmenant jusqu’en Italie pour qu’elle y étudie.
Ces premiers chapitres m’ont beaucoup plu, l’écriture de l’autrice étant vraiment belle et élégante. En revanche, je me suis rapidement rendu compte que le reste du livre ne correspondait pas vraiment à la quatrième de couverture et à mes attentes. Je pensais lire le portrait d’une femme allant à l’encontre des traditions, s’engageant dans une carrière interdite à son sexe, découvrir son œuvre, sa carrière, l’angle du travestissement et de la double identité m’intéressait également beaucoup, j’étais curieuse d’apprendre comment elle avait mené ses études et vécu une histoire d’amour avec un condisciple tout en se travestissant… il n’en est malheureusement pas vraiment question dans « Eleni ».
Si on assiste au premier rendez-vous entre la jeune femme et le peintre italien (Altamura) qui deviendra le père de ses trois enfants et son mari, très vite on se retrouve en compagnie d’une Eleni vieillissante, qui vit cloîtrée dans sa maison natale. C’est au détour d’une phrase que l’on apprend que son mari l’a quittée pour une de ses amies, qu’il est parti en emmenant leur dernier-né, que leur fille est décédée…tous les événements marquants de sa vie – sa relation amoureuse, sa peinture, et même sa maternité ne sont finalement qu’effleurés, après une ellipse d’environ vingt-cinq ans. Même le travestissement – alors que le titre est quand même Eleni ou Personne – est à peine abordé…
Il y a beaucoup de bonnes choses dans ce livre, Rhea Galanaki a vraiment une belle plume, j’ai aimé qu’elle travaille le contexte historique, qu’elle introduise dans le récit la figure de Laskarina Bouboulina, grande héroïne de la guerre d’indépendance, qu’elle utilise les rêves, les fantômes pour raconter la vie d’Eleni, même si les pensées du personnages tournent parfois en rond, ce qui peut devenir lassant à la longue, mais je n’ai pas trouvé dans ce roman ce pour quoi j’avais décidé de le lire, ce qui entraîne forcément une petite déception.
Publié en 2018 chez Cambourakis, traduit par René Bouchet, en poche chez Cambourakis poche, 252 pages.
Les romans grecs sont trop rares. Et comme, contrairement à toi, je n’ai pas vraiment d’attente, si ce n’est la curiosité de découvrir la littérature grecque contemporaine, je pourrais bien me laisser tenter 😉
oui, heureusement que Cambourakis en publie ! le livre est de bonne qualité, très bien écrit, ma déception vient du fait que j’ai l’impression que le sujet promis n’a pas été traité…mais oui, tente-le!
Oh, j’espérais que ça t’ait plu. Il y a si peu de romans grecs traduits. Bon… pas indispensable, donc.
il m’a plu dans le sens où il est bien écrit…la lecture est plaisante, intéressante, c’est juste que je suis étonnée du traitement de ce sujet…mettre dans un titre Eleni ou Personne, et ne pas traiter le thème du travestissement, parler d’une femme parce qu’elle est peintre et ne pas parler de son art et de son oeuvre, je trouve ça vraiment curieux…
Heureusement que tu avais annoncé que dans ce livre on ne découvrirait pas grand’ chose sur ce qu’a pu vivre et ressentir Eléni en se faisant passer pour un homme, ni même sur son apprentissage ou ses tableaux…Cela a donc réduit mes attentes !
En fait, je pense qu’il existe peu de documents sur la vie et les oeuvres presque toutes brûlées d’Eléni Altamura-Boukoura ; et Rhéa Galanaki ne s’est pas attachée à les recréer.
Elle a préféré se glisser dans l’esprit mélancolique d’une femme douloureuse.
Grâce à l’écriture flotte dans ce livre une douceur, une nostalgie qui enveloppent l’ensemble d’une brume de poésie…Les derniers chapitres, consacrés à une Eléni qui vit sa « vie d’après la vie » avec ses morts, m’ont touchée, et plus j’avançais dans ma lecture, plus elle me plaisait…
Merci de m’avoir fait découvrir cette Eléni attachante.
je suis contente que tu aies aimé ce livre ! effectivement quand on n’a pas d’attentes sur la peinture ou le travestissement, la barre est moins haute…je trouve néanmoins dommage – même si c’est très bien écrit – de ne pas exploiter la vie assez incroyable de cette femme et de se focaliser sur la dernière partie de sa vie, qui est plus banale.