Vingt ans plus tard – Miguel Angel Hernandez

Miguel Angel Hernandez a vécu un drame dans sa jeunesse. Il y a vingt ans, la nuit de Noël, son meilleur ami Nicolas a tué sa grande sœur en la battant à mort avant de se jeter dans un ravin. Dans le village où ils habitaient, personne n’a pu expliquer ce crime, il ne semblait pas y avoir de tension particulière entre le frère et la sœur, et l’assassin était un jeune homme sans histoire, calme et réservé.

Miguel Angel lui-même a été abasourdi. Puis il a en quelque sorte occulté ce drame, a pris de la distance avec le microcosme du village où il a grandi, est devenu un « intellectuel », un auteur reconnu. Pourtant, « Vingt ans plus tard », cet événement douloureux est venu le hanter, et il a décidé de tenter de comprendre ce qu’il s’était réellement déroulé, et d’en faire le sujet de son nouveau livre.

J’aime beaucoup les true crimes, mais celui-ci est assez déroutant. En effet, « l’enquêteur » n’est ni neutre, ni un proche de la victime. Miguel Angel Hernandez se retrouve à enquêter – via les médias de l’époque, à l’ère pré-internet, via ce que lui disent les témoins, des gens qui sont ses amis, ses voisins, sa famille, via le dossier judiciaire qu’il cherche à obtenir – sur une affaire qui le touche de près,  où il oscille entre l’envie d’en savoir plus et la peur de ce qu’il pourrait découvrir sur ce garçon dont il a été si proche, avec qui il a tant de souvenirs d’enfance, pour qui il a encore des sentiments affectueux, et dont il n’a jamais soupçonné qu’il pourrait commettre un tel crime. D’ailleurs, l’auteur s’aperçoit à un moment qu’il ne s’intéresse qu’à l’assassin, et qu’il ne sait presque rien de Rosi, la victime, et de sa personnalité.

Miguel Angel Hernandez se confronte donc à un passé avec lequel il n’est pas à l’aise, un passé qu’il a essayé d’enterrer pendant vingt ans.  Celui d’une jeunesse où il était un adolescent obèse, un lecteur avide en décalage avec son milieu familial, souhaitant par-dessus tout aller étudier à l’université et se fondre dans l’anonymat d’une grande ville, au lieu de vivre dans un petit village, où tout le monde se connait et se scrute.

C’est un récit plein de douleur, mais aussi de nostalgie et de culpabilité, car Miguel Angel Hernandez n’assume pas complètement sa trajectoire, qui s’est construite sur une prise de distance avec son milieu, avec sa famille. Un récit frustrant, également, car le lecteur se demande jusqu’au bout quelles sont les raisons qui ont poussé ce jeune homme à tuer sa sœur – était-il un psychopathe? a-t-il eu un coup de folie? y a-t-il eu tentative de viol ou inceste? C’est en tout cas, via un angle complexe, la découverte pour moi d’un auteur espagnol que j’ai très envie à présent de retrouver dans une œuvre de fiction.

Publié en Octobre 2021 chez Globe, traduit par Lise Belperron, 272 pages. 

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