Dites aux loups que je suis chez moi – Carol Rifka Brunt

« Dites aux loups que je suis chez moi » de Carol Rifka Brunt est un roman à côté duquel je serai complètement passée si je n’avais pas lu le billet très enthousiaste de MyPrettyBooks. Et cela aurait été bien dommage car j’ai adoré ce livre!

Nous sommes en 1987 à New York. June, 13 ans, est très proche de son oncle maternel, Finn, un peintre reconnu. Avec lui, elle partage une passion pour la culture médiévale et pour la musique classique, elle qui n’a pas vraiment d’amis et ne s’entend pas avec sa sœur aînée Greta, une fille ironique qui excelle dans tous les domaines. Mais Finn décède du Sida, alors qu’il vient juste de terminer le portrait de ses deux nièces. June découvre alors l’existence de Toby, le compagnon de longue date de Finn, rejeté par la famille qui l’accuse d’avoir contaminé Finn. June et Toby se rencontrent et deviennent progressivement très proches.
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« Dites aux loups que je suis chez moi » nous renvoie à une période où le Sida est une maladie encore très récente, dont on ne connait pas encore bien les modes de transmission – June se lave les cheveux trois fois lorsqu’il l’embrasse sur la tête – et pour laquelle il n’existe pas encore de thérapie. June, qui est plutôt solitaire et décalée par rapport à ses camarades de classe, se sent aimée et comprise par son oncle Finn, qui est également son parrain. Il lui a toujours consacré beaucoup de temps, et montré une préférence par rapport à sa sœur aînée Greta, qui est pourtant considérée comme plus jolie, plus intelligente et plus douée que June. Lorsque Finn meurt, June perd non seulement son oncle, mais aussi son meilleur ami et son grand amour. Mais elle s’aperçoit alors qu’elle ne connaissait qu’une facette de sa vie puisqu’elle ignorait l’existence de Toby, son compagnon avec lequel il vivait dans le même appartement depuis huit ans. Si les deux solitudes de June et Toby et leur amour commun pour Finn les rapprochent, June doit pour autant voir Toby en cachette de ses parents et de sa sœur, qui vouent Toby aux gémonies.

Carol Rifka Brunt a écrit un roman non seulement émouvant, puisqu’il évoque la perte d’êtres chers, mais aussi très fort. Les personnages sont tous attachants et complexes, avec un soin tout particulier pour les personnages secondaires, notamment la sœur de June, Greta, qui entretient avec sa petite sœur une relation amour-haine très complexe, pendant de celle qui animait Finn et sa soeur, la mère des deux filles.

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« Dites aux loups que je suis chez moi » est aussi un roman d’initiation qui nous montre June passer en l’espace de deux mois dans l’âge adulte. Non seulement elle est confrontée à la mort, mais elle dépasse également les interdits parentaux en cherchant elle-même la vérité : Toby a-t-il vraiment contaminé Finn? Toby a-t-il vraiment fait de la prison? A travers les interrogations et les doutes de June, l’auteur dépeint tout en délicatesse un monde fait de préjugés et de non-dits. J’ai été particulièrement émue par le fait que Toby vivait avec Finn, mais devait partir de l’appartement à chaque fois que June venait rendre visite à son oncle, parfois pendant toute une journée, et par le fait que June se rende compte que sans la mort de Finn, elle n’aurait jamais connu Toby. Il y a beaucoup d’amour dans ce roman, beaucoup d’attentions, comme ces petits cadeaux que Finn laisse pour June afin qu’ils lui soient remis après sa mort, comme cette volonté de Finn que Toby et June se rencontrent après sa mort pour s’épauler mutuellement. Et ce portrait de June et Greta, qui sera la dernière peinture de Finn, comme une dernière volonté de rapprocher les deux sœurs, lui qui indirectement aura fissuré leur relation, et de recréer une unité familiale – ce portrait que la mère et les deux filles s’approprieront à leur manière, d’une façon originale et touchante.

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« Dites aux loups que je suis chez moi » est donc une très belle surprise, un livre que j’ai dévoré et qui évoque des thèmes forts, sans pathos mais avec beaucoup de tendresse et de pudeur. C’est le premier roman de Carol Rifka Brunt, une auteur qui je l’espère, publiera d’autres livres, vu la qualité de celui-ci.

Publié le 13 Mai 2015 aux Editions Buchet Chastel, traduit par Marie-Axelle de la Rochefoucauld, 493 pages.

 

9e participation au Mois Américain 2015
                                                amarica

12 commentaires sur “Dites aux loups que je suis chez moi – Carol Rifka Brunt

  1. Je l'ai repéré ce week-end en librairie. Finalement, j'ai l'impression que la littérature n'a pas traité tant que ça l'arrivée du sida, ce moment terrible où l'on ne savait rien sur la maladie. Tu en parles très bien en tout cas.

  2. @ Titine : merci ! 🙂 c'est vrai que c'est un sujet peu exploité en littérature, Armistead Maupin a été un des premiers à en parler dans les années 80 donc en "direct live" dans les chroniques de SF.

    @ Jérôme : ahhhh enfin je te tente avec un billet ^^

  3. Je suis très très très heureuse d'avoir pu te le faire découvrir, j'avoue ne pas comprendre pourquoi ce livre ne fait pas davantage parler de lui. Il est tellement beau.. Ta chronique m'a d'ailleurs replongé dans cette histoire, elle est très réussie. <3

  4. Oui, ce livre est superbe !
    Il est plein de finesse et de sensibilité, et riche en émotions, alors que tous les personnages , June, Greta, leur maman, Finn, Toby, sont pudiques , s’expriment peu et gardent secrets leurs sentiments et des pans importants de leur vie. L’auteur a su se (re)glisser dans la tête d’une adolescente, avec ses complexes, ses doutes, sa timidité , ses accès d’audace, sa générosité… June est un très joli personnage . Vous avez raison, ce roman est empreint de tendresse…

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