Décidément, j’enchaîne les Gallmeister en ce moment ! Après « Money Shot », voici à présent « Cry Father » de Benjamin Whitmer, dont j’avais déjà lu et apprécié « Pike » il y a quelques temps.
Patterson Wells parcourt les USA pour déblayer les zones touchées par des sinistres. Quand il ne travaille pas, il vit seul avec son chien dans une cabane. Il y a quelques années, son petit garçon, Justin, est mort à la suite d’une négligence médicale. Patterson ne s’en est jamais remis, et écrit de longues lettres à Justin, à qui il confie ses doutes et sa douleur. Son ex-femme Laney essaye quant à elle d’aller de l’avant, elle a eu un autre enfant, Gabe, depuis la mort de Justin et souhaite que Patterson s’associe au procès qu’elle va intenter au médecin qui n’a pas pris au sérieux les symptômes de Justin. Patterson rencontre le fils de son voisin Henry, Junior, un jeune homme violent et parfois incontrôlable. Comme lui, Junior n’arrive pas à sortir d’une vie de misère, de violence et d’actes délictueux, malgré la pression de sa petite amie Jenny, qui fait son possible pour trouver un emploi et une maison hors de la zone misérable où elle habite, pour offrir une vie stable et protégée à leur fille Casey. Les deux hommes vont passer de plus en plus de temps ensemble, et être aspirés dans une spirale de violence.
Quelle noirceur dans ce roman ! On y trouve des thèmes similaires à ceux de « Pike » : l’amitié entre deux hommes -l’un d’âge mûr, l’autre beaucoup plus jeune – la violence, bien sûr, et aussi l’espoir apporté par un enfant. Mais j’ai trouvé « Cry Father » beaucoup plus dense et beaucoup plus noir : « Pike » avait un fil conducteur, l’enquête menée par un père pour savoir comment sa fille était morte, mais « Cry Father » n’en a pas vraiment, et c’est une sensation de chape de plomb qui règne sur tout le roman, seulement éclairé par l’amour de Patterson pour son fils décédé, qui transparaît dans ses écrits, et par la volonté des femmes – Laney comme Jenny – d’avancer dans la vie et de s’en sortir, tandis que les hommes pataugent dans la violence gratuite et n’arrivent pas à avoir des perspectives d’avenir.
Benjamin Whitmer est excellent pour créer des ambiances glauques et plombées, comme lors de la visite de l’un des protagonistes chez Brother Joe, un prédicateur apocalyptique qui anime une émission de radio locale. Je n’ai pu m’empêcher de m’attacher à Patterson, cet homme qui a plutôt un bon fond mais qui a été très abîmé par la vie, mais Junior est un être déconcertant, capable du meilleur comme du pire, et qui a une relation très ambivalente avec son père, Henry. La pression monte tout le long du livre, on sent que le drame va bientôt éclater, mais on ne sait pas où, quand, et par qui cela va frapper, tant la violence règne dans tous les domaines…
« Cry Father » de Benjamin Whitmer est un livre noir très maîtrisé, tant au niveau du style, de l’ambiance, que dans la gestion de toutes les sous-intrigues qui forment ce roman. Un récit coup-de-poing rempli de noirceur et de violence, et servi par des personnages secondaires aboutis et porteurs d’espoir. Une belle réussite, et un auteur plus que prometteur!
Publié le 26 mars 2016 chez Gallmeister (Néonoir), traduit par Jacques Mailhos, 320 pages.
Septième participation au Challenge Gallmeister organisé par Léa et 28e participation au Challenge Rentrée Hiver 2016 organisé par Laure de Micmélo.
Je sais que les temps sont durs – étrange d’être si loin en ce moment .. J’espère que tu tiens le coup.
Mais parlons de livres, une belle manière de résister à l’obscurantisme. J’adore cet auteur et l’homme (rencontré en juillet l’an dernier). Je le trouve plus noir comme toi et les deux femmes sont les seuls rayons de soleil de ce roman et oui on s’attache beaucoup à Patterson 😉
ps : de retour à Québec pour deux jours avant de partir à Montréal (une dizaine de librairies au programme) avec Marie-Claude.
Tu as de la chance de l’avoir rencontré ! (même si je ne saurais pas vraiment quoi lui dire si j’avais cette occasion ^^)
les questions viennent facilement, mais il était assez timide et gêné et puis il s’est détendu ! je lui ai demandé pourquoi il tuait le chien dans chaque roman .. il m’a dit qu’avec ses potes (les autres auteurs de romans noirs) ils se disaient que pour définir un roman « noir » il fallait tuer le chien 😉
C’est marrant souvent un meurtre de chien est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour les lecteurs – je me souviens d’une critique d’American Psycho où le journaliste disait qu’il avait tout encaissé … Jusqu’à la mort du chien !
Je l’ai trouvé supérieur à Pike, plus profond, plus dense, plus maîtrisé.
tout pareil 🙂