Dominique Bona, que j’avais découverte il y a quelques années avec sa biographie de Romain Gary, nous propose aujourd’hui un récit sur Colette, mais avec un angle original, celui de l’amitié. L’académicienne s’attache en effet dans « Colette et les siennes » à l’histoire d’amitié qui lia la romancière et trois autres femmes : Annie de Pène, Marguerite Moreno et Musidora.
Le récit commence en 1914 alors que les hommes ont quitté Paris pour partir sur le front. La capitale se retrouve remplie de femmes seules, qui doivent gérer l’absence de leurs maris, mais qui découvrent également une liberté nouvelle. Colette, dont le deuxième mari (après Willy) Henry de Jouvenel est à Verdun, et qui ne supporte pas la solitude, vit quasiment en colocation avec ses trois meilleures amies. « Colette et les siennes » raconte l’histoire de cette amitié, dresse le portrait d’Annie de Pène, Marguerite Moreno et Musidora, et en filigrane nous raconte la vie de Colette.
Colette eut de nombreuses amitiés féminines – ainsi que des liaisons avec des femmes, mais ce n’est pas vraiment le cœur du sujet, même si sa relation de cinq ans avec Missy est détaillée dans le livre – avec des femmes au caractère assez similaire au sien. Des femmes à la forte personnalité, grandes amoureuses, très en avance sur leur temps, et qui auront toutes une carrière professionnelle bien remplie. On est bien loin de la femme corsetée, au sens propre comme au sens figuré, dépendante de son mari, et qui consacre sa vie à son foyer et à ses enfants. D’ailleurs il y a très peu d’enfants dans cette histoire : Bel-Gazou, la fille de Colette et Henry de Jouvenel, est élevée par sa grand-mère paternelle, Annie de Pène a perdu la garde de ses enfants suite à son divorce (sa fille Germaine deviendra par la suite une grande amie de Colette), le fils de Marguerite est décédé, et à l’époque du récit Musidora n’a pas d’enfant. Chacune connait des amours tumultueuses et scandaleuses, avec notamment la liaison de Colette avec son ex-beau-fils Bertrand de 30 ans son cadet, et Marguerite Moreno avec son cousin lui aussi beaucoup plus jeune qu’elle.
Ce sont des femmes qui mèneront leur vie sans se soucier de la morale, qui seront indépendantes financièrement grâce à leur travail : Annie de Pène, assez méconnue aujourd’hui – il faut dire qu’elle est décédée en 1918 – était une journaliste connue notamment pour sa couverture de la vie dans les tranchées, et qui défraya la chronique en dénonçant la boucherie innommable que fut la guerre de 14/18, Marguerite Moreno était une comédienne qui connaîtra , tardivement la gloire au cinéma, Musidora était l’une des actrices les plus célèbres des années 10 grâce à ses rôles dans les feuilletons cinématographiques « Les Vampires » ou « Judex » – elle est plus tard devenue culte et est considérée comme la première « vamp ».
Dominique Bona a produit un récit fluide, à la fois très documenté et facile à lire. Même si le livre est plus axé sur Colette, les proportions sont bien équilibrées entre la romancière et ses trois amies. Cet axe résolument féministe permet d’en savoir plus sur la vie intellectuelle et artistiques des années 10 et de l’entre-deux-guerres, avec des portraits attachants et résolument modernes. Ces quatre femmes ont bousculé les mœurs et les tabous de leur époque, et n’ont déposé les armes ni devant le qu’en-dira-t-on, ni même devant l’âge : à un âge avancé (et encore plus à l’époque que maintenant), elles séduiront toujours, et des hommes plein plus jeunes qu’elle, et connaîtront encore et toujours le succès (la carrière de Marguerite Moreno va vraiment décoller alors qu’elle aura dépassé la cinquantaine). Elles exerceront également des métiers qui à l’époque étaient plutôt réservés aux hommes : écrivain (les premiers romans de Colette étaient signés du nom de son mari), journaliste, réalisatrice et productrice de films…Malgré le temps ou la distance, les quatre femmes resteront proches, se soutiendront, s’entraideront jusqu’à la mort, et en cela, ce livre est également une belle histoire d’amitié, une sorte de « Sex and the City » avant l’heure!
« Colette et les siennes » de Dominique Bona est un récit instructif, intéressant et accessible. Je lui reprocherais quand même certaines répétitions dans l’information, comme si les chapitres avaient été écrits et traités de manière indépendante, sans que l’ensemble soit relu pour éviter les redites. C’est néanmoins un livre passionnant, qui donne envie de se plonger dans l’oeuvre de Colette…et de visionner les films de Musidora!
Publié en Mars 2017 chez Grasset, 432 pages.
23e lecture de la Rentrée Littéraire de Janvier 2017.
Effectivement, c’est un angle intéressant.
oui ça permet de renouveler un peu les écrits sur Colette, dont on a déjà dit beaucoup…
le sujet est intéressant mais ni le temps, ni une curiosité trop forte !
tiens j’ai pensé à toi tout à l’heure, j’ai récupéré Indian Roads à la Médiathèque 🙂
Très tentée. J’ai toujours été fascinée par Colette.
laisse-toi tenter, c’est un livre à l’angle original et vraiment très accessible!
j’ai déjà croisé ce livre plusieurs fois et je ne m’y attardais pas vraiment, tu m’as donné envie de le lire!
Super, merci Violette!