Quand Marjorie (Merci!) m’a proposé d’aller voir « Mon Traître », l’adaptation du livre éponyme de Sorj Chalandon ainsi que de « Retour à Killybegs » aux Bouffes du Nord, je n’ai pas hésité une seule seconde, et j’ai bien fait. « Le Quatrième Mur » est mon gros coup de cœur de la rentrée littéraire, mais j’avais également adoré les deux livres que l’écrivain avait consacré à sa relation avec le héros de l’IRA qui s’était révélé être en fait un agent double travaillant pour les Britanniques. Deux livres où l’on retrouvait les deux thèmes chers à Chalandon, l’amitié masculine et la trahison.
Je ne connaissais pas les Bouffes du Nord, et j’imaginais un théâtre rococo jouant des comédies de boulevard à la Feydeau. Pas du tout, c’est un théâtre qui semble être tout droit sorti d’un roman de Carlos Luis Zafon, un peu désaffecté, un peu hanté, et qui convenait tout à fait au drame nord-irlandais qui s’y jouait.
Le premier personnage, Antoine le luthier, nous raconte le point de vue de l’ami français, fidèle au texte de « Mon Traître »…la trahison, mais finalement plus personnelle que politique, d’où le possessif du titre. Si Tyrone a trahi son peuple, sa cause, jusqu’où ses mensonges sont-ils allés? Considérait-il vraiment Antoine comme son ami, ou faisait-il semblant? Comme un conjoint trompé, Antoine imagine que Tyrone avait également une double vie amicale, et un autre meilleur ami, qu’il aimait plus que lui, du côté anglais. La voix du comédien, Jérôme Derre, très particulière, et ressemblant un peu à celle du chanteur de Louise Attaque, fait très bien passer les émotions du texte de Sorj Chalandon.
Puis c’est le tour de Jack, le fils de Tyrone. Personnage secondaire dans les romans, il rappelle que la trahison n’est pas que politique, elle est aussi familiale. Lui, le fils du héros, a passé vingt ans en prison pour apprendre à sa sortie, qu’il était en fait un fils de traître. Je ne dévoilerai pas ici la très belle surprise de la mise en scène, mais la prestation du comédien Stéphane Balmino est aussi inattendue qu’époustouflante de beauté.
Enfin c’est Tyrone qui prend la parole, avec sur les épaules sa couverture de prisonnier, lui qui a connu la dirty protest dans les geôles britanniques. Et, comme dans « Retour à Killybegs » il rappelle l’histoire de sa famille, son engagement dans l’IRA, son emprisonnement, et surtout sa faute originelle, celle qui donnera l’occasion aux Britanniques de faire pression sur lui pour qu’il trahisse pendant vingt-cinq ans. Jean-Marc Avocat transmet de façon magistrale le poids de la culpabilité, et la tristesse d’un homme qui a tout perdu.
Les trois comédiens sont excellents, la mise en scène d’Emmanuel Meirieu sobre, belle et juste, et les illustrations sonores créent une atmosphère sombre et enveloppante qui met vraiment en valeur la douleur portée par les textes.
La pièce est jouée jusqu’au 21 décembre et je ne peux que vous encourager à aller la voir…
comme tu me fait envie!!! Sorj Chalandon et théâtre! Bon, reste à espérer qu'il passe près de chez moi!!
Lyon et Grenoble pour le moment… Donc pas vraiment tout près de chez toi!
je me demande si le théâtre de ma ville écoutera une suggestion de spectacle 😉
tu ne perds rien à essayer…
Très bel article pour une très belle pièce. Je suis ravie qu'elle t'ait plu 🙂
Je suis intéressée pour votre prochaine sortie de ce style les filles !
Ton article donne envie
en attendant j'ai presque convaincu mon copain ; on va essayer d'y aller si on chope des places avant la fin !