Après avoir beaucoup aimé les deux premiers tomes de « L’Arabe du Futur », j’étais impatiente de connaître la suite des aventures du petit Riad. On avait quitté, à la fin du volume précédent, la famille Sattouf en Syrie : un drame familial épouvantable avait été l’objet de fortes tensions entre la mère et le père de Riad, et on sentait bien que la mère était à bout et souhaitait revenir en Europe…
C’est bien toujours le cas – au début de ce tome 3, Clémentine n’en peut plus : marre de vivre loin de la France, même pas dans une grande ville, mais dans un petit village où il n’y a aucune distraction, aucune possibilité de travailler, où l’eau qui coule du robinet est marron, où elle n’a pas d’amis et personne pour discuter avec elle en français ou en anglais. Alors elle s’occupe en faisant des puzzles toute la journée et presse son mari de trouver un poste dans une université en France. Songe-t-elle à le quitter? Une troisième grossesse stoppe en tout cas toute velléité de séparation.
Malgré les tensions parentales, le récit est assez doux. Les deux sources de craintes et de violence présentes dans les deux premiers volumes semblent plus ou moins maîtrisées : la famille paternelle se fait plus discrète, les bons résultats et l’obéissance de Riad le tiennent à l’écart du bâton de l’instituteur, et le jeune garçon a des copains et découvre les joies des films d’action, notamment avec Conan le Barbare. Il est d’ailleurs désireux de faire comme ses amis, et voudrait bien faire le Ramadan et avoir le même zizi qu’eux (il n’est pas circoncis).
Le père est quant à lui toujours aussi contrasté, écartelé entre son progressisme et les traditions de sa famille et de son pays. Il est d’ailleurs étonnant qu’un homme instruit, moderne, ayant vécu et obtenu son doctorat en France, s’entête à s’enterrer dans ce village au confort spartiate, peuplé d’habitants aux antipodes du fameux « Arabe du Futur » dont il prône l’éclosion, et non à Damas ou à Homs, plus conformes à ses aspirations – il rêve de reconnaissance, de fortune, de relations bien placées – et au goût de sa femme. Sa dualité semble lui peser de plus en plus – il se considère comme moderne et est très fier de son parcours, mais sa famille lui reproche plutôt d’être un mécréant – jusqu’à une explosion de violence verbale dans laquelle il exprime toutes ses frustrations. Un homme qui alterne saillies pertinentes et remarques un peu bêtes, qui veut se détacher des coutumes, mais se fait rattraper par la corruption, qui rêve d’une carrière prestigieuse d’universitaire mais qui ne doit pas éprouver beaucoup de satisfaction au travail vu le niveau des élèves et les conditions d’enseignement. Un homme bourré de défauts mais que sa complexité rend attachant.
Tout le récit ne se passe d’ailleurs pas en Syrie. Clémentine part accoucher en France, emmenant avec elle Riad et son petit frère Yahya. Pendant quelques mois, Riad va donc être scolarisé dans le village breton où vit sa grand-mère maternelle, dans une toute petite école. La comparaison avec l’école syrienne est assez édifiante : pas d’hymne national, la mixité, l’absence de coups de bâton pour faire régner l’ordre… Mais le séjour permet également de relativiser le côté arriéré et violent du village syrien, car certains voisins de la grand-mère ne sont franchement pas en reste…
C’est donc avec grand plaisir que j’ai retrouvé Riad Sattouf, son humour, sa pertinence, et son regard à la fois tendre et moqueur…J’ai dévoré ce tome 3 de « L’Arabe du Futur » immédiatement après me l’être procuré, et vu la dernière vignette de ce volume – quel cliffhanger ! – cela promet pour le tome suivant! Je suis déjà impatiente de lire la suite…
Publié en Octobre 2016 chez Allary, 160 pages.
34e lecture de la Rentrée Littéraire.
J’avais eu des avis plutôt mitigés en lisant les deux premiers tomes mais je veux le lire aussi
je l’ai réservé à la BM …
patience donc !
il doit être très demandé, j’espère que tu l’auras vite ! Moi j’ai réservé les Marie Neuser 🙂
Je n’en attendais pas moins de toi! Je vais y venir aussi. Je pensais que c’était une trilogie. Tu m’apprends qu’il y aura encore une suite? Bonne nouvelle.
Il me semble avoir lu dans une interview de l’auteur qu’il y aurait 5 tomes, en tout cas c’est sûr qu’il y en aura un 4e (le « à suivre » l’atteste :))
J’ai adoré ce troisième tome comme j’avais adoré les deux premiers et j’ai super hâte que le quatrième arrive !!
il sait nous accrocher, notre ami Riad !
Je l’ai acheté après avoir beaucoup aimé les deux premiers. Mes enfants l’ont lu… mais pas moi (pas encore !).
ah c’est super de pouvoir partager des lectures avec ses enfants !
Un bonheur cette série ! Et il reste deux tomes à venir, hâte de les dévorer !!!!!
oui j’ai hâte que le tome 4 sorte !!
Quel 3ème tome magnifique !
Merci d’avoir partagé le texte.
Bon courage pour la suite
C’est quoi un cliffhanger ?
Que peut valoir une critique de quelqu’un qui ne sait pas utiliser sa langue ?
cher Monsieur, un « cliffhanger » est un type de fin ouverte destiné à créer une forte attente, particulièrement utilisé dans les feuilletons, les séries télé, ou ici les histoires en plusieurs tomes.
Il n’y a pas d’équivalent exact en français, et je n’ai aucune obligation à n’utiliser que des mots français sur mon blog (autre anglicisme, j’espère que vous ne vous êtes pas évanoui)
Oh mon Dieu, je suis tombé dans les pommes et je récupère seulement maintenant.
Cela dit, je maintiens :
– penser être plus compétent parce qu’on utilise de l’anglais est nul (disons d’une servilité nulle)
– si je trouve qu’un mot arabe ou espagnol est meilleur que l’expression française, dois-je l’utiliser, sachant que bcp de gens ne le comprendront pas ?
– aucune langue n’a de mot pour tout ; en revanche, pouvoir tout exprimer dans sa langue c’est tjs possible (si on le veut), et ça c’est classe
– je ne trouve pas votre critique géniale, je me suis même demandé ai vous aviez lu le bouquin.
Je n’écris de billets que sur les livres que j’ai lus, heureusement d’ailleurs, car sinon ce serait bien malhonnête de ma part.
Vu le nombre de blogs qui existent, je pense que vous trouverez sans difficulté des blogs à la langue et au contenu plus adaptés à vos goûts et à vos attentes.
Vous avez raison. Cela dit j’aime bien votre blogue et j’y ai identifié plusieurs titres que je compte lire prochainement.
Ce qui m’énerve – désolé – c’est l’éternelle lâcheté des Français dès qu’il s’agit de leur langue (qu’ils ont d’ailleurs délibérément sabotée à l’Union européenne). Il est impossible de ne pas ressentir un certain mépris, d’où une agressivité qui s’est portée sur vous et je m’en excuse.
Ici, on dit « cinéma maison » « La Voix » (l’émission de télé) « nuage » « bouffe de rue » et on vit très bien avec (là je suppose que c’est vous qui êtes dans le yaourt à moins que vous ne vous soyez pissé dessus de rire). Les mots existent, il n’est même pas nécessaire d’en inventer : d’ailleurs les pauvres Français n’ont plus inventé de mot nouveau depuis au moins 50 ans.
Je clos la conversation – nous n’avons effectivement rien à nous apporter – par une remarque technique sur le blog :
chaque fois que j’ai voulu accéder aux notices titres ou auteurs via le menu qui s’ouvre en cliquant sur le pavé ligné en haut à gauche, je suis tombé sur des liens brisés ou des messages du type « ce blog n’existe plus à cette adresse ». Pour lire vos reseñas je dois passer par la recherche.
Votre blogue est agréable et visiblement très bien tenu. Cela prend du temps, je sais, mais si un jour vous allez la possibilité de rétablir les liens (je ne crois que le défaut vienne de mon ordinateur), ce serait sympa.
pm
قلمي هو سيفي
si un jour vous AVEZ la possibilité
(rubrique autoflagellation)
ah mais vous vivez au Québec! ceci explique donc cela 🙂
pour les rubriques Auteurs et Titres, oui vous avez tout à fait raison, et merci de me le signaler, c’est une erreur technique due au transfert du blog de blogspot à wordpress, qu’il faut que je corrige au plus vite.