Joy Sorman est une auteure que j’aime beaucoup, vous pouvez d’ailleurs retrouver sur le blog mes avis très positifs sur « La Peau de l’Ours », « Comme une Bête » ou encore « Boys Boys Boys ». J’étais donc ravie de la retrouver avec ce nouveau roman : « Sciences de la Vie ».
L’auteure a une particularité, elle arrive toujours à m’intéresser à des sujets qui, de base, ne me passionnent pas du tout! Cela a été le cas avec la viande, les animaux…et maintenant, dans « Sciences de la Vie », avec la peau et la douleur! C’est d’ailleurs ce que je lui ai dit lorsque je l’ai rencontrée en dédicace au Forum Fnac Livres, lui soumettant même toute une liste de thèmes que je juge complètement inintéressants!
Le personnage principal de « Sciences de la Vie », Ninon Moise, descend d’une longue lignée où chaque première fille d’une génération est atteinte d’un mystérieux mal. Sa mère, par exemple, a de gros problèmes de vue et ne voit qu’en noir et blanc. Ninon, lycéenne, semble épargnée, jusqu’au jour où elle se réveille avec d’atroces douleurs dans les bras. Tout contact avec son épiderme, des épaules aux poignets, lui fait affreusement mal. Résolue à rompre la malédiction familiale et à guérir, Ninon se lance alors dans un long périple médical, de médecins en hôpitaux, en passant par les guérisseurs et les marabouts pour tenter de trouver une explication à son mal, et surtout un remède.
Joy Sorman part d’une histoire proche du conte, cette malédiction qui frappe les femmes de la famille, pour nous livrer un récit qui est finalement très universel, puisqu’il nous parle de douleur et de maladie. Ninon ne se laisse pas écraser sous le poids de la tradition familiale, mais veut au contraire croire que le monde moderne, que la science peut trouver une solution à son problème et la guérir. Malheureusement, non seulement il semble impossible de la soulager, mais il semble également compliqué de trouver de quelle maladie elle souffre. En effet, la maladie de Ninon n’est pas visible : elle n’a pas d’autre symptôme que la douleur, qui n’est pas tangible, qui est subjective.
Quelle joie quand, première étape, un diagnostic est posé! Ninon souffre d' »allodynie », c’est-à-dire qu’une douleur survient lors d’un stimulus qui est normalement indolore. Mais il faut maintenant la soulager, et aussi la guérir, ce qui malheureusement n’est pas si simple.
Joy Sorman montre bien l’impression d’enfermement, de labyrinthe où quelque soit le chemin pris, on se cogne à une porte fermée dans lequel Ninon – et toute personne malade qui ne connait ni la cause, ni le remède de son mal – se trouve embarquée. Tout semble tourner en rond, être un éternel recommencement. Au fur et à mesure que les semaines, les mois passent, Ninon ne perd pas totalement espoir, elle continue à chercher un moyen, une personne qui pourra la soulager, mais la douleur, la fatigue l’usent, elle se renferme sur elle-même, elle ne vit plus au même rythme que les autres, elle est centrée sur sa maladie, et le reste lui semble vain et lointain.
« La santé, c’est la vie dans le silence des organes », une formule du chirurgien René Leriche de 1936, que reprend ici Joy Sorman, et dans « Sciences de la Vie », Ninon disparaît peu à peu derrière les hurlements de sa peau. Elle ne voit plus ses amis, ne va plus au lycée, reste enfermée dans sa chambre, discrètement soutenue par sa mère, jamais très loin, mais qui contrairement à sa fille, ne semble pas vouloir se rebeller contre la fatalité, contre le déterminisme.
Joy Sorman réussit à traiter un thème qui n’est pas des plus porteurs d’une manière qui reste accessible, et les termes médicaux et scientifiques ne rendent ni ardu ni ennuyeux ce récit qui fera sans doute écho à de nombreux lecteurs. L’auteure a réussi à terminer ce livre d’une façon inventive et poétique, et il est dommage que je n’aie pas connu la fin du roman au moment où je l’ai rencontrée, car Joy Sorman a un point commun avec Ninon que j’aurais bien voulu aborder avec elle!
« Sciences de la Vie » n’est pas le roman le plus flamboyant de Joy Sorman, le sujet est assez aride, et le combat de Ninon est une série d’échecs et d’impasses, mais l’auteure a écrit un livre beaucoup plus ambitieux qu’il n’y parait au premier abord, et qui questionne de manière pertinente notre rapport au corps, à la douleur, et au médical. Un roman intelligent et qui fait réfléchir.
Publié en Août 2017 chez Seuil, 272 pages.
17e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2017.
Très intriguant, ce roman. Mais les autres aussi!
Quel roman de Joy Sorman me conseilles-tu en premier?
J’ai beaucoup aimé « Comme une bête »! c’était le premier que je lisais, et il m’a vraiment beaucoup plu!
Je suis plus tentée par ses précédents romans.
« Comme une bête » est excellent!
je ne la connais que de nom, tu connais tous les auteurs ! je pense le recommander à une amie qui vit en ce moment avec une maladie encore non diagnostiquée (malgré deux ans d’examens…)
la pauvre 🙁 déjà quand on sait ce qu’on a, cela peut être dramatique, mais quand on souffre sans savoir ce qu’on a – et donc sans avoir le traitement approprié, c’est terrible