Chavirer – Lola Lafon

« Chavirer » est le nouveau roman de Lola Lafon dont j’ai lu tous les livres dont « Mercy, Mary, Patty » et « La petite communiste qui ne souriait jamais ».

Cléo, treize ans, mène une vie banale dans une ville de la banlieue parisienne. A la MJC locale, où elle suit des cours de danse, elle rencontre Cathy, une femme cultivée et sophistiquée, qui la prend sous son aile, l’emmène déjeuner au restaurant ou se balader à Paris, et lui propose de postuler pour recevoir une bourse d’une fondation artistique. Cléo, avec l’accord de ses parents, doit préparer un dossier, et rencontrer les membres du jury à convaincre… sans le savoir, elle est tombée dans les griffes d’un réseau pédophile dont elle va être victime, mais aussi rabatteuse puisqu’elle va proposer à certaines de ses camarades du collègue de postuler à la fondation également.

Le sujet du livre est bien sûr très dur et complexe, mais Lola Lafon a réussi à écrire un roman fluide et accessible, que j’ai lu d’une traite. Elle ne tombe jamais dans le voyeurisme ou le glauque : tout est subtil, suggéré, sous-entendu au détour d’une phrase. Elle sait très bien décrire tout cet écran de fumée qui entoure le réseau de pédophilie, pour faire croire aux adolescentes comme à leurs parents qu’il s’agit d’une vraie fondation : détails, processus, mise en concurrence…la machination est très bien rendue.

Mais Cléo n’est pas qu’une victime, on la suit sur une trentaine d’années où on la retrouve lycéenne, et plus tard danseuse professionnelle, que ce soit dans un grand cabaret ou pour les émissions de Michel Drucker, en couple avec sa colocataire, puis mariée et mère de famille.

Durant ma lecture, j’ai complètement adhéré à ce que proposait Lola Lafon.. C’est quelques jours plus tard que j’ai commencé à avoir des bémols – qui n’ont donc pas nui à mon plaisir de lecture : j’ai trouvé qu’il y avait dans ce roman beaucoup de personnages, de sous-intrigues, de thèmes abordés. Certains des personnages sont marquants, d’autres moins, il y a des scènes qui sont très bien écrites – les déambulations nocturnes dans Paris avec le roadie du concert de Jeff Buckley, sans que je comprenne vraiment où voulait en venir Lola Lafon. Il m’a semblé que des personnages, des scènes avaient été écrites plutôt pour faire passer des messages ou parce que le thème était important pour l’autrice (le rapport à la religion de l’ami juif et de sa famille, la petite amie d’extrême-gauche et l’avis de son entourage sur la culture populaire dont fait partie Cléo avec les émissions de Michel Drucker…), tandis qu’un axe du roman – l’enquête journalistique et sa scène finale – était quant à lui introduit de façon artificielle pour servir l’intrigue.

J’ai l’air de lister beaucoup de points négatifs, mais encore une fois cela n’a pas gêné ma lecture. Le sujet de « Chavirer » est tout sauf évident à traiter, et Lola Lafon s’en sort admirablement bien, tout en faisant en sorte que le roman puisse être lu par le plus grand nombre. Un très beau portrait de femme, aux multiples facettes… à lire ! 

Publié en Août 2020 chez Actes Sud, 344 pages.

8e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2020.

Un roman à retrouver à l’affiche de l’émission n°96 du podcast littéraire Bibliomaniacs ici.

6 commentaires sur “Chavirer – Lola Lafon

  1. « Subtil » et « suggéré », voilà qui me convainc. Il n’y a rien de pire que ces livres qui tombent dans le glauque , alors que l’ellipse est souvent bien plus percutante sur ces sujets difficiles. C’est noté.

  2. j’ai vu un film puis un documentaire sur le sujet et je pense pouvoir me passer du roman. Je te rejoins sur nos avis qui peuvent évoluer deux ou trois jours ou semaines après notre lecture.
    Je n’ai pas lu cette autrice car le titre de son roman m’a toujours fait penser à un film indépendant américain que j’avais beaucoup aimé et je sais que les deux n’ont rien à voir (mais je pense qu’ils sont sortis presqu’en même temps)….

  3. Gros coup de cœur pour moi.
    ce n’est pas pour moi un roman sur la pédophilie, les thèmes sont multiples, mouvement MeToo, consentement, lutte des classes, monde de la danse, portrait de femme… Et ce n’est jamais glauque…

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