La Renverse – Olivier Adam

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Olivier Adam est un auteur que je n’appréciais pas particulièrement. Je n’avais pas du tout accroché à « Je vais bien, ne t’en fais pas » dont j’avais jugé le style assez pauvre – alors que j’avais bien aimé le film – et j’avais trouvé « Les Lisières » intéressant, mais aussi très agaçant. Pourtant, quelques billets élogieux m’ont incitée à lire son dernier roman « La Renverse », peut-être aussi parce que ma récente expérience avec Nickolas Butler m’a montré qu’on a parfois de bonnes surprises en redonnant sa chance à un auteur. Ça tombe bien, car j’ai beaucoup aimé « La Renverse »!

Antoine, vingt-cinq ans, mène une vie solitaire en Bretagne. Il ne s’implique dans rien, que ce soit en amitié ou en amour, sauf dans sa profession de libraire. Un jour, il entend à la radio que le politicien Jean-François Laborde vient de décéder. Celui-ci avait été impliqué il y a dix ans dans un scandale sexuel qui avait défrayé la chronique. Et la mère d’Antoine avait été accusée d’être sa complice. Antoine se remémore cette période troublée, et s’interroge : a-t-il eu raison de croire en la culpabilité de sa mère et de tourner le dos à sa famille?

Encore un jeune héros solitaire comme je les aime…Olivier Adam s’attache dans « La Renverse » à raconter l’envers du décor d’un scandale (qui ressemble fortement à l' »affaire Georges Tron »). Il y a bien sûr les accusés et les victimes, mais aussi les dommages collatéraux : conjoints et enfants, que ce soit des victimes ou des accusés, dont la vie vole en éclats. Antoine, ses parents et son petit frère Camille vivaient dans un pavillon d’une ville de banlieue parisienne. La mère d’Antoine, très belle femme, toujours élégante et sophistiquée, qui détonnait dans le décor, fut repérée par le maire de la ville, Jean-François Laborde, un homme politique très connu, et devint son adjointe. Jusqu’au jour où deux femmes accusèrent Laborde et la mère d’Antoine, sa maîtresse, de les avoir forcées à avoir des relations sexuelles avec eux.

Olivier Adam nous raconte le délitement d’une famille, touchée de plein fouet par le scandale. Une famille où déjà en temps ordinaires, on ne se parle pas, on a peu de points communs. Le père passe de longues heures au travail, puis dans les transports, et ne demande qu’à être tranquille en arrivant chez lui. La mère veut être l’archétype de la femme au foyer parfaite. Les deux frères, Antoine au lycée, Camille au collège, sont très différents et ne partagent rien : Antoine, très entouré, est toujours chez son meilleur ami Nicolas, dont il adore la famille a priori très soudée d’intellectuels baba cool, tandis que Camille, petit et chétif, est solitaire et moqué par ses camarades. Lorsque le scandale éclate, alors que le père martèle que sa femme est innocente et victime d’un complot, les enfants croient en la culpabilité de leur mère : pour Camille, la situation devient vite intenable au collège et c’est la descente aux enfers, quant à Antoine, qui s’est rapproché de Laetitia, la fille de Laborde qui voue une haine féroce à son père, il souhaite mettre le plus de distance possible entre sa famille et lui.

« La Renverse » est un roman que j’ai dévoré. J’ai été très agréablement surprise par la fluidité et la profondeur de ce texte, qui touche à l’intime. La description de la vie d’Antoine en Bretagne est très réussie, tout comme celle de la petite ville de banlieue où il a grandi. Autant j’avais trouvé le personnage principal des « Lisières » insupportable, autant Antoine est un personnage sensible et attachant, dans sa révolte contre l’injustice comme dans sa tendance à avoir parfois des œillères et une vision faussée des choses. J’ai senti dans ce texte la colère de l’auteur contre certains politiciens qui, grâce à leur notoriété et à leur réseau, peuvent commettre des horreurs et s’en sortir sans problème, et même être réélus, enfonçant au passage encore plus leurs victimes, ici des femmes de milieu modeste, d’origine immigrée, dont la condition et la vie chaotique sèment le doute sur leurs accusations.

Olivier Adam livre ici un roman juste, sensible, très bien maîtrisé. Les sentiments, les réactions d’Antoine ainsi que son parcours, de vie comme intérieur, sont finement décrits. « La Renverse » est un roman intéressant du point de vue littéraire et romanesque, mais aussi pour la réflexion qu’il provoque sur notre relation à la justice et aux médias. Un beau livre, empreint de tristesse, qui m’a réconciliée avec l’auteur!

Publié le 6 janvier 2016 chez Flammarion, 266 pages.

6e participation au Challenge Rentrée Hiver 2016 organisé par Laure de MicMelo.

14 commentaires sur “La Renverse – Olivier Adam

  1. J'ai découvert cet auteur avec "Falaises" que j'ai beaucoup aimé, un peu moins "Des vents contraires". "Les lisières" est dans ma PAL, "La renverse" a pas mal de bonnes critiques et me tente aussi.

  2. J'ai l'impression que ce roman plaît particulièrement aux lecteurs qu'Olivier Adam a tendance à irriter. Pour ma part, je préfère très nettement le héros des Lisières, chez qui l'autodérision permet de faire passer des choses à mon sens beaucoup plus fortes en termes de critique de la société.
    Mais c'est intéressant de voir qu'un auteur peut jouer sur plusieurs registres. Quant à son style, il est d'une qualité toujours remarquable !

  3. @ Joëlle : non je ne l'ai pas lu…j'ai tellement aimé "La Renverse" que je vais le lire, du coup.

    @ Mylène : je vais me replonger dans son oeuvre, j'espère redécouvrir l'auteur d'un oeil plus positif

    @ Delphine : je n'avais pas du tout aimé le style de "Je vais bien ne t'en fais pas" (mais je l'avais lu à sa sortie, donc il y a très longtemps…). Mais tant mieux, si effectivement, il peut attirer des gens qui comme moi sont plutôt rétifs à l'auteur

  4. Je me situe du côté des fans d'Olivier Adam. J'ai justement lu dernièrement "Peine perdue", très réussi. C'est donc avec impatience que j'attends cette lecture, mais avant, je choisirai "Les lisières"!

  5. Je l'ai acheté il y a deux semaines, je pense que je le lirai bientôt j'ai hâte, même si globalement je suis déjà conquise par l'auteur … Même si j'avais été un peu déçue par son dernier, Peine perdue.

  6. @ Clara : je trouve vraiment qu'il a gagné en qualité

    @ Tiphanie : tu verras, il se lit tout seul (il faut vraiment que je lise Peine Perdue)

    @ Laeti : bon, donc tu es déjà au 3/4 conquise 😀

    @ Souguite : je vais m'arranger pour que vous le lisiez bientôt, alors

  7. C'est très étrange car je n'ai pas du tout trouvé Antoine attachant. Je n'arrive pas vraiment à me l'expliquer. Peut-être est-ce dû au fait que finalement on observe tout depuis ses yeux mais qu'il ne livre pas assez ses propres sentiments…?

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