« Mendelssohn est sur le toit » est un livre de l’auteur tchèque Jiří Weil, écrit en 1958, censuré et finalement publié en 1960, un an après sa mort.
Ce roman choral se déroule à Prague, qui, suite à l’invasion de la République tchécoslovaque par les Nazis, fait désormais partie du protectorat de Bohême-Moravie. Le fil conducteur est une demande ubuesque de Heydrich qui exige que la statue de Mendelssohn soit enlevée du toit du Rudolfinum, en raison des origines du compositeur. Deux ouvriers tchèques supervisés par un SS sont censés exécuter l’ordre. Problème : personne ne sait quelle est la bonne statue, et celle qui a le plus gros nez n’est pas celle que l’on croit …
A partir de cette scène lunaire, contée avec ironie, on va suivre plusieurs des personnages impliqués – Heydrich en personne, un ouvrier tchèque, un « sage » juif censé être capable de reconnaître son coreligionnaire supposé, un portier, juif aussi, et fort comme un bœuf … mais aussi, en parallèle, un ancien médecin désormais cloué au lit, et son ami résistant qui veille sur ses deux petites nièces cachées.
Malgré la tension et la violence, le début est assez drôle, avec une sorte d’humour absurde et désespéré, assez en phase avec la situation des habitants juifs de la ville en 1941-1942, alors que le camp de concentration de Terezin est mis en place, et que les déportations commencent. Mais de grinçant, le récit va bientôt devenir glaçant jusqu’à un final absolument terrifiant.
On parle beaucoup d’art dans ce roman – il y a un musée, des statues, de l’opéra, des œuvres spoliées, la visite d’un architecte – et pourtant la beauté, présente partout, est dénaturée, comme sous une chape de plomb, et n’est plus porteuse d’espoir, juste de la bêtise, de la violence, et de la bassesse.
L’auteur a connu la traque, la clandestinité, le meurtre des siens… il livre ici un roman qui nous ferre avec de l’humour pour finalement nous assommer d’un uppercut, à l’image de l’autre texte de l’ouvrage « Complainte pour 77 297 victimes » une collection de petites vignettes terribles, entrecoupées de citations bibliques.
Traduction Erika Abrams, en poche chez 10/18, 356 pages.