Je vous parlais il y a quelques jours de « Et puis, on aura vu la mer » de Tristan Saule. Voici le cinquième tome de la série des Chroniques de la Place Carrée, « Les Sept Robes ». Le titre fait référence à l’événement qui va être le fil conducteur du roman: le mariage de Lounès et Léa, à la maison de quartier, alors que tout autour les émeutes font rage à la suite de la mort de Nahel.
Lounès étant issu d’une famille immigrée (son père est marocain et sa mère, algérienne) c’est un mariage traditionnel qui est organisé, un peu adapté à la vie d’aujourd’hui : trois jours au lieu d’une semaine, cinq robes au lieu de sept. Mais le mariage finit par être seulement un contexte un peu flou car aucun des deux mariés ne semble être à 100 % présent, physiquement et mentalement. Léa, qui est journaliste, est obsédée par l’affaire sur laquelle elle enquête, une histoire de corruption où sont impliqués plusieurs notables de la ville. Quant à Lounès, il est devenu le caïd du quartier suite à la disparition subite de Salim et il s’inquiète d’être concurrencé et trahi, d’autant plus qu’un rival, Dan le Magicien, semble le menacer.
Prendre un mariage comme fil conducteur d’un polar était une excellente idée mais j’ai eu du mal à accrocher au livre car j’ai trouvé les deux personnages principaux, Lounès et Léa, peu attachants, bien qu’ils soient réalistes et bien incarnés. Lounès est l’archétype du caïd macho de banlieue, il est taiseux, brutal, peu affectueux avec sa femme, contrôlant – on se demande même s’il est amoureux d’elle ou s’il se marie juste pour faire plaisir à sa mère et parce qu’un homme de son origine et de son âge se doit d’avoir une épouse. Des flash-backs qui retracent son parcours d’enfant des cités espoir de la boxe l’humanisent un peu, même si au vu de l’éducation qu’il a reçue, il aurait pu très bien gagner sa vie de manière honnête comme son frère ingénieur ou sa sœur avocate.
Quant à Léa, son enfance violente explique certainement qu’elle se sente protégée aux côtés d’un homme riche, puissant dans la cité et qui n’hésite pas à cogner pour la défendre, mais elle est aussi pénible à se contenter du moindre vague geste d’affection, à être émue parce que son compagnon lui offre un vanity case Vuitton qui provient d’un cambriolage. Et tous deux passent leur temps à fumer du shit ou à avoir envie de fumer du shit …
Heureusement qu’il y a Idriss, l’ado futé qui se glisse partout, qui voit tout et sait tout, pour relever le niveau, ainsi que quelques bonnes idées (faire le lien avec les tomes 1 et 2, créer un fil conducteur avec « l’illusion » suite à l’apparition de Dan le Magicien). Heureusement aussi que la fin, très sombre, est particulièrement réussie.
Publié en Janvier 2025 au Quartanier, 361 pages.