« Le Petit Frère » commence une belle journée d’été 1976. Une famille profite des vacances pour se balader en roulotte tirée par des chevaux… c’est Jean-Louis, dix-huit ans, qui tient les rennes. À côté de lui, Gilles, le petit frère, onze ans. Alors que le garçon va sortir de la roulotte pour rejoindre leur mère qui les suit en vélo, c’est le drame : une voiture en sens inverse, qui roule vite et dévie sur la voie de gauche, fauche l’enfant… et ne s’arrête pas. Gilles mourra quelques heures plus tard à l’hôpital.

Ce roman graphique autobiographique est incroyable. Les dessins sont sobres, dans des tons de gris et noir, mais extrêmement expressifs. Jean-Louis Tripp évoque tous les moments par lesquels lui et sa famille vont passer. Car au-delà de Gilles, ce sont tous les membres de la famille qui vont également être victimes. Entre les annonces lunaires du décès à l’hôpital, le dépôt de plainte, l’enterrement, les condoléances, le procès, le deuil … l’auteur décrit avec sincérité, douleur, colère, pudeur et sensibilité ce qu’il a vécu, ce que sa mère, son père, son autre frère Dominique ont vécu …et même sa demi-sœur Cécile qui naîtra plus tard.

C’est extrêmement triste, extrêmement beau aussi. Sur un sujet d’une cruauté extrême, et qu’il porte depuis près de cinquante ans, Jean-Louis Tripp nous ouvre les portes de sa famille, on apprend à aimer ces membres touchés de plein fouet par le drame, qui survivent comme ils le peuvent, chacun à leur façon. Il y a beaucoup de lucidité, de tendresse, d’amour dans ce roman graphique, qui est un magnifique hommage à Gilles, que j’ai désormais l’impression de connaître tant cet ouvrage lui donne de l’incarnation.

Un roman graphique exceptionnel.



