Le nouveau livre de Rachel Shalita, troisième publié chez l’Antilope , est un roman d’inspiration autobiographique. Une petite fille vit en Israël avec ses parents d’origine polonaise, qui sont arrivés dans le pays avant la seconde guerre mondiale. Née ici, Tzipi parle bien sûr hébreu à l’extérieur comme à la maison car c’est la seule langue que ses parents veulent pratiquer avec elle. Mais entre eux, c’est pourtant le yiddish que les parents parlent, une langue qui reste donc hermétique et mystérieuse pour Tzipi et qui ne sera par conséquent pas sa langue maternelle.
« Leurs mots à eux » sont prononcés dans la langue du passé, d’un monde révolu fait de secrets, de drames, de tristesse et de mort, à l’image de ce coffre plein de photos et de documents dans lequel fouille parfois la petite fille. Tzipi porte le prénom traduit en hébreu de la sœur de sa mère, Feyguèlé, dont le décès, dans des conditions qu’elle ignore, est une ombre qui plane sur le foyer. On ne parle pas de la seconde guerre mondiale et encore moins de la Shoah, tout juste croise-t-on quelques personnes qui ont un numéro inscrit sur le bras.
« Leurs mots à eux » est un très beau livre, rempli de fraîcheur et de tendresse comme peuvent l’être les ouvrages qui évoquent des souvenirs d’enfance, avec cette facette originale de raconter une histoire de famille, un exil, des drames, un renouveau, à travers une rupture de langue.
Publié en Mars 2025 chez l’Antilope, traduit par Gilles Rozier, 326 pages.