Que de belles expositions actuellement à l’affiche à Paris! Ne manquez pas « Etre moderne : le MoMA à Paris » à la Fondation Vuitton, « Christian Dior: couturier du rêve » aux Arts Décoratifs, dont je vous parlerai bientôt, ou encore « Shoah et Bande Dessinée », au Mémorial de la Shoah qui non seulement est extrêmement riche et intéressante, mais est aussi en accès libre!
La Seconde Guerre Mondiale est un sujet abondamment traité dans la bande dessinée, mais il faudra attendre quasiment 50 ans pour qu’on y trouve une véritable place pour la Shoah.
L’exposition présente sans doute la première BD évoquant l’extermination des Juifs, une série de dessins intitulée « Mickey au Camp de Gurs », créée en 1942 par un jeune homme, Horst Rosenthal, qui choisit la figure de Mickey pour raconter sa propre histoire. Il mourra à Auschwitz.
Jusque dans les années 80, le nombre total de pages abordant la Shoah est anecdotique, et la Shoah y est souvent abordée de façon détournée, rarement de façon frontale. Et ceci de façon mondiale : l’extermination des Juifs est un sujet qui n’est véritablement traité ni en France, ni aux Etats-Unis (il faudra par exemple attendre 1981 pour que Magneto soit présenté comme un Juif rescapé d’Auschwitz)
C’est la publication de « Maus » – premier tome en 1986 et second tome en 1991 – qui provoquera un véritable raz-de-marée dans le roman graphique. Art Spiegelman y raconte l’histoire de ses parents, tous deux déportés à Auschwitz, sa difficile relation avec son père, un homme acariâtre, radin et raciste, mais aussi son mal-être de deuxième génération. Art Spiegelman révolutionne aussi la BD en utilisant le procédé d’animalisation pour raconter la Shoah (les Juifs sont représentés en souris, les Nazis en chats…) Si vous ne l’avez pas encore lu, foncez, c’est un monument!
« Maus », qui recevra le Prix Pulitzer en 1992, ouvre la porte à la représentation de la Shoah dans la BD, de façon internationale. Depuis vingt-cinq ans, la Shoah apparaît beaucoup plus dans les œuvres de fiction (par exemple « XXe siècle » d’Yslaire) et dans les œuvres historiques. Mais « Maus » a également été un déclencheur pour que les 2e et 3e génération s’emparent du sujet, comme par exemple « Nous n’irons pas voir Auschwitz » de Jérémie Dries, et pour que l’extermination d’autres groupes que les Juifs soit traitée dans la BD : tziganes, homosexuels (par exemple « Triangle Rose » de Michel Dufranne). La bande dessinée s’est également ouverte à d’autres génocides, comme le génocide arménien.
L’exposition « Shoah et Bande Dessinée » présente plus de 200 planches et dessins d’auteurs internationaux. Si j’ai été un peu surprise de ne pas retrouver dans l’exposition le magnifique dessin d’Enki Bilal qui se trouve sur l’affiche, j’ai vraiment apprécié l’organisation de cette exposition et l’accent mis sur la bibliographie et les ressources littéraires (de nombreux romans graphiques et bandes dessinées sont à la disposition des visiteurs qui peuvent les feuilleter ou les lire dans un espace dédié). Après ce temps de latence de quasiment un demi-siècle, la bande dessinée apparaît vraiment, au delà de sa portée artistique, comme un vecteur d’apprentissage, et de transmission de la mémoire. Difficile de sortir de « Shoah et Bande Dessinée » sans avoir envie de se plonger dans la bibliographie présentée et de découvrir de nouveaux auteurs et ouvrages, signe que cette exposition est une réussite!
Jusqu’au 7 Janvier 2018 au Mémorial de la Shoah à Paris. Entrée libre. Plus d’infos ici.
Chouette billet. J’ai vraiment beaucoup » aimé » ( si l’on peut dire pour le sujet ) cette expo vue avant l’été, et comme tu le soulignes son agencement, le fait d’avoir accès aux BD. je confirme, on plonge dans la bibliographie ( dommage, certaines BD ne sont plus éditées ), je ne suis pas partie les mains vides, un de mes prochains billets 😉
ravie que l’on soit sur la même longueur d’onde 🙂