J’avais « Le Cas Eduard Einstein » dans ma PAL depuis des lustres sans trouver le temps de l’en sortir, et c’est finalement après avoir lu un peu par hasard le nouveau roman de Laurent Seksik « L’Exercice de la Médecine », que je me suis décidée à l’ouvrir enfin.
« L’Exercice de la Médecine » nous conte l’histoire d’une famille juive sur une centaine d’années, chaque chapitre étant consacré, en alternance, à l’un des cinq membres sur lesquels le récit repose. Pavel est un médecin passionné par sa profession, en Russie au début du siècle, alors que l’antisémitisme et les pogroms font rage. Mendel, son fils, envoyé en Allemagne pour faire ses études, sera lui aussi médecin, et confronté au Nazisme à Berlin dans les années 30, puis en France pendant la guerre. Natalia, médecin comme son père Pavel et son frère Mendel, sera arrêtée dans le cadre du Complot des Blouses Blanches en Russie dans les années 50. Tobias, le fils de Mendel, sera le seul à ne pas pouvoir devenir médecin, en raison d’une mutilation. Quant à Léna, la fille de Tobias, elle est cancérologue à Paris de nos jours.
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J’ai découvert avec plaisir l’écriture de Laurent Seksik avec ce roman très agréable à lire, très fluide, et que j’ai dévoré. J’aime beaucoup les histoires de famille et le parcours des Kotev à travers un siècle, et trois pays, est très intéressant. Ces médecins par passion mais aussi par tradition familiale seront confrontés pendant plus de cinquante ans à l’antisémitisme de leur époque et de leur pays : antisémitisme du tsarisme pour Pavel, antisémitisme du nazisme pour Mendel et Tobias en Allemagne et en France, antisémitisme du stalinisme pour Natalia. Quant à Lena, si elle ne vit pas dans un milieu hostile, contrairement à ses ancêtres, sa souffrance est liée à d’autres raisons, plus personnelles : un métier -cancérologue- difficile psychologiquement, puisqu’elle est régulièrement confrontée à des personnes qui vont bientôt mourir et à leur entourage effondré; la solitude sentimentale ; la stérilité; la mort de sa mère ; le vieillissement de son père.
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« L’Exercice de la Médecine » est un roman familial très bien écrit, qui se lit avec plaisir et intérêt, une jolie découverte de l’auteur Laurent Seksik, qui m’a donc donné envie de lire son précédent roman « Le Cas Eduard Einstein ».
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Eduard Einstein est le fils cadet d’Albert Einstein, issu de son mariage avec sa première femme, Mileva Maric, qui était serbe. Très honnêtement, je ne connaissais rien de la vie privée de ce grand scientifique, et « Le Cas Eduard Einstein », s’il se concentre sur Eduard, est aussi une biographie d’Albert Einstein, mais seulement du point de vue familial.
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Eduard Einstein, né en 1910, est un jeune homme brillant, étudiant en médecine, lorsqu’il se révèle être schizophrène, à l’âge de 20 ans. sa mère, Mileva, doit se résoudre à le faire interner à l’hôpital psychiatrique de Burghözli, dans la ville où ils habitent, Zurich. A ce moment-là, Albert est déjà loin, il vit à Berlin, avec sa nouvelle femme Elsa. Si le scientifique rend quelques fois visite à son fils, l’Histoire le rattrape : avec l’arrivée des Nazis au pouvoir, il devient l’ennemi numéro 1 en tant que scientifique juif, et doit se résoudre à quitter l’Europe pour Princeton, aux Etats-Unis. Il verra son fils une dernière fois juste avant de partir, en 1933.
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Laurent Seksik donne la parole à Eduard, jeune homme intelligent et cultivé, passionné par Freud, et qui aurait voulu être psychiatre, qui vit dans une sorte de délire permanent que les traitements de l’époque n’arriveront pas à soigner, mais aggraveront certainement . Il passera les deux tiers de sa vie à l’asile, avec seulement sa mère -tant que celle-ci sera en vie- pour le soutenir et se préoccuper de son sort. Le soutien d’Albert Einstein sera uniquement financier, puisqu’il ne rendra plus jamais visite à son fils, même après la guerre.
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On découvre donc dans ce livre un Albert Einstein qui, toute sa vie, en parallèle de sa carrière de scientifique, a pris des positions courageuses, s’engageant pour notamment alerter l’opinion publique sur la façon dont les Juifs étaient traités par les Nazis, ou dénoncer la ségrégation dont étaient victimes les Noirs aux USA – ce qu’il paiera cher car l’opinion américaine, en particulier pendant les années de McCartysme, lui était très défavorable, un journal américain d’après-guerre titrera même « Déportez-le »- même si « to deport » veut dire expulser en anglais, le double-sens n’était pas le fait du hasard. Pourtant, il ne s’engagera jamais en faveur de son propre fils, ni pour le faire soigner, ni pour le soutenir. Pour lui, sa maladie était d’origine génétique – la soeur de Mileva étant elle-même schizophrène – ce qui lui donnait une bonne raison de ne pas s’impliquer : vu le côté inné et irrémédiable de la maladie et son lien avec la famille maternelle, ce n’était donc pas vraiment son affaire. Un bémol tout de même, il essaya de le faire venir aux Etats-Unis, mais la politique d’immigration ne permettait pas l’accès au pays à une personne ayant des problèmes mentaux. « Mon fils est le seul problème sans solution » confiera-t-il à un ami.
On découvre donc dans ce livre un Albert Einstein qui, toute sa vie, en parallèle de sa carrière de scientifique, a pris des positions courageuses, s’engageant pour notamment alerter l’opinion publique sur la façon dont les Juifs étaient traités par les Nazis, ou dénoncer la ségrégation dont étaient victimes les Noirs aux USA – ce qu’il paiera cher car l’opinion américaine, en particulier pendant les années de McCartysme, lui était très défavorable, un journal américain d’après-guerre titrera même « Déportez-le »- même si « to deport » veut dire expulser en anglais, le double-sens n’était pas le fait du hasard. Pourtant, il ne s’engagera jamais en faveur de son propre fils, ni pour le faire soigner, ni pour le soutenir. Pour lui, sa maladie était d’origine génétique – la soeur de Mileva étant elle-même schizophrène – ce qui lui donnait une bonne raison de ne pas s’impliquer : vu le côté inné et irrémédiable de la maladie et son lien avec la famille maternelle, ce n’était donc pas vraiment son affaire. Un bémol tout de même, il essaya de le faire venir aux Etats-Unis, mais la politique d’immigration ne permettait pas l’accès au pays à une personne ayant des problèmes mentaux. « Mon fils est le seul problème sans solution » confiera-t-il à un ami.
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La relation entre Albert Einstein et ses enfants a toujours été compliquée : dans une correspondance entre Mileva et lui, retrouvée en 1986, il a été découvert qu’ils avaient eu avant leur mariage une petite Lieserl, abandonnée en Serbie pour des raisons inconnues et morte en bas âge. Quant à ses fils, Eduard et son frère aîné Hans-Albert, ils seront toujours défiants envers leur père, ayant du mal à se construire dans l’ombre gigantesque d’Albert Einstein, et lui reprochant d’avoir quitté le foyer familial. « Il n’y a pas de place pour un autre Einstein » dira Eduard.
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Tout aussi agréable à lire que « L’exercice de la Médecine », « Le Cas Eduard Einstein » de Laurent Seksik, écrit en s’appuyant sur une large bibliographie, évoque une face méconnue d’Albert Einstein, tout en faisant plonger le lecteur dans les souffrances d’un homme détruit par la maladie mentale. Un ouvrage bien documenté et intéressant à tout point de vue.
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L’Exercice de la Médecine: publié le 19 août 2015 chez Flammarion, 380 pages.
Le Cas Eduard Einstein : publié le 17 août 2013 chez Flammarion, en poche chez J’ai Lu, 304 pages.
6e participation au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015, et 1er % atteint!
les deux me tentent ! le premier doit être à la bibli… merciiiiii
(comme toi j'ignorais tout du fils d'Eistein) …
Le sujet est tout à fait intéressant. Pourtant, je ne sais trop pourquoi, je ne suis pas particulièrement attirée… Ou disons plutôt que d'autres m'attirent davantage.
J'avais beaucoup aimé Le cas Eduard Einstein, bien écrit et bien documenté.
On vient de m'offrir L'exercice de la médecine.
Encore un auteur qu'il me faut découvrir ! Le précédent étant sorti en poche, je vais peut-être me lancer !
Le sujet est intéressant, d'autant plus que moi aussi j'aime les saga familiales.
@ Fleur : oui je pense qu'il pourrait te plaire!
@Noukette : Laurent Seksik écrit très bien, ses livres sont très agréables à lire, tu passeras un bon moment
@Valérie : j'attends donc ton billet avec impatience 🙂
@Tant qu'il y aura des livres : j'ai lu après dans un article que des historiens lui avaient fait des reproches sur le Cas Eduard Einstein car il y a des faits et des dates qui ne seraient pas exacts…mais c'est vrai que le livre semble pourtant très bien documenté
@Delphine Olympe : quand on voit le niveau de la rentrée littéraire cette année, c'est effectivement difficile de prioriser les lectures!
@Electra : si ta bibli est bien fournie, même le 2e devrait y être maintenant 🙂
Bonjour Eva, ce qui m'a gênée dans le cas Eduard Einstein, c'est le fait que L. Seksik fait parler Eduard. Cela m'a donné une impression de factice. Sinon, rien à dire sur l'écriture. Pour l'autre, pas lu. Bonne fin d'après-midi.
@ Dasola :cela ne m'a pas dérangée, mais je peux comprendre que ce parti pris en gêne certains.