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« La Petite Femelle » de Philippe Jaenada évoque l’affaire « Pauline Dubuisson » qui défraya la chronique dans les années 50. Un fait divers qui a déjà été le sujet d’une précédente lecture avec un roman également sorti en 2015 : « Je vous écris dans le noir » de Jean-Luc Seigle. J’étais donc curieuse de voir comment Philippe Jaenada, dont j’avais beaucoup aimé « Sulak », allait s’emparer de l’histoire et se différencier de l’ouvrage de Jean-Luc Seigle.
Pauline Dubuisson, c’est cette jeune femme de vingt-six ans, étudiante en médecine, qui abattit son ancien fiancé de quatre balles de pistolet, et qui inspira le film « La Vérité » d’Henri-Georges Clouzot. Philippe Jaenada tacle gentiment Jean-Luc Seigle dans les premières pages du livre en soulignant le fait que ce qu’il raconte dans « Je vous écris dans le noir » est très romancé et comporte des informations que Jaenada considère inexactes. Philippe Jaenada, quant à lui, livre dans « La Petite Femelle » une véritable enquête, menée à partir de témoignages et de documents. Jaenada questionne, compare, confronte, déduit, passe outre les réécritures de l’histoire et les fantasmes pour rétablir la vérité et écrit un ouvrage finalement bâti de façon très sérieuse, malgré ce ton désinvolte et souvent badin qu’il utilise.
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Philippe Jaenada |
Alors il faut pouvoir supporter les digressions de l’auteur, qui aime beaucoup parler de lui, quitte à livrer des détails parfois triviaux. Personnellement, elles ne me dérangent pas, d’autant plus que je savais à quoi m’attendre depuis « Sulak« , mais je peux comprendre que l’on trouve ça fastidieux voire insupportable, d’autant plus que l’ouvrage est très long, 700 pages, même si elles se lisent très facilement. Ce qui est intéressant dans cet ouvrage, c’est que Jaenada utilise sa vie privée pour sortir l’affaire Dubuisson des journaux et des dossiers juridiques et la remettre dans un contexte plus personnel, essayer de se mettre à la place de Pauline, et comprendre comment elle s’est construite, et ce qu’elle a pu ressentir. Comme on sentait son admiration pour « Sulak », on sent qu’il est fasciné par la belle Pauline et sa modernité et qu’il prend totalement son parti. Paradoxalement, les faits romancés par Jean-Luc Seigle étaient à l’avantage de Pauline Dubuisson, puisque l’écrivain disait que la jeune femme avait tué Félix son fiancé car il l’avait quittée en apprenant qu’elle avait couché avec des Allemands pendant la guerre. Jaenada démontre que ce n’est pas le cas, et que Pauline Dubuisson avait refusé plusieurs fois d’épouser Felix – qui connaissait son passé – pour finalement ne pas supporter qu’il la quitte et se fiance avec une autre, le tuant dans un épisode trouble : accidentellement alors qu’elle voulait se suicider ou de sang froid et avec préméditation? Philippe Jaenada montre quand même que la Cour s’acharnera sur elle, alors qu’à la même époque, d’autres femmes ayant tué leur mari seront ménagées par les mêmes juge et procureur.
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« La Petite Femelle » de Philippe Jaenada est un ouvrage un peu trop long, parfois un peu trop bavard, mais également une enquête fouillée et passionnante, très bien dépeinte au niveau historique, psychologique et juridique. J’ai été particulièrement intéressée par le fonctionnement de la prison pour femmes dans laquelle Pauline Dubuisson fut emprisonnée, ainsi que par les portraits de ses co-détenues. Un livre à la fois intéressant et bouleversant car il aborde également l’après-prison : comment refaire sa vie, et être accepté tel que l’on est lorsqu’on a tué?
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Publié le 19 Août 2015 aux Editions Julliard, 720 pages.
23e participation au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015
Mais pourquoi ils sont donc tous fascinés par cette histoire d'un seul coup. J'ai lu le seigle, que tout le monde semble avoir aimé, sauf moi.
J'ai tellement aimé le roman de Seigle que je n'avais pas forcément envie de lire celui-ci d'autant que ce que tu dis concernant les digressions de l'auteur; le style et le tacle envers Seigle me rebute carrément.
bon si je dois lire l'affaire DUbuisson, ce sera avec Seigle, SUlak m'avait exaspérée, et là on m'a quand même dit à plusieurs reprises qu'il y a avait 200 pages de trop…donc je passe (je suis écoeurée à vie de la digression personnelle sous forme de parenthèse, en revanche, il aurait fait un blogueur réjouissant Jaenada)
J'ai vraiment aimé "Je vous écris dans le noir" et je ne voyais donc aucun intérêt à lire celui-ci, ton billet me conforte dans ce choix.
@Joelle : ah dommage car il est très intéressant…après il faut accrocher au style de Jaenada…
@Galea : sacrè jaenada 😉 mais il faut souligner qu'il a fait une enquête très poussée sur cette affaire…Seigle raconte une version très romancée, heureusement que je lài su seulement après coup car sinon je n'aurais appréciè cette lecture
@Tant qu'il y aura des livres : il souligne que Seigle a livré une version romancée de l'affaire sans faire d'enquête mais il ne lui manque pAs de respect. mais c'est vrai que si on n'accroche pas à Jaenada et à son style particulier, c'est difficile de lire ce livre.
@Valérie : je me suis aussi posé cette question…on n'en parle pas pendant des décennies et tout d'un coup deux livres coup sur coup!