Roman dont on a très peu parlé lors de cette Rentrée Littéraire, « Fils du Shéol » a été écrit par un auteur franco-algérien, Anouar Benmalek.
« Fils du Shéol » retrace l’histoire de trois générations d’une même famille en remontant des années 40 au début du XXe siècle. Le procédé est original, puisque tout est vu à travers les yeux de Karl du haut de l’au-delà où il s’est retrouvé après avoir été gazé. J’ai trouvé ce procédé finalement assez artificiel, mais il a le mérite de mettre en avant les questions que l’on se pose après un drame, et notamment : aurait-on pu l’éviter? et qu’aurais-je fait si j’avais été confronté à cette situation? Si Ludwig le grand-père était resté en Afrique, au côté de celle qu’il aimait, Manfred ne serait pas né et n’aurait donc pas été déporté. Si Ludwig n’avait pas eu la nostalgie de l’Afrique, il n’aurait pas entraîné son fils dans son périple et celui-ci n’aurait pas rencontré Elisa en Algérie et ne l’aurait pas ramené en Allemagne, première étape de la chaîne qui l’a menée vers la déportation. Et si Manfred et Elisa ne s’étaient pas rencontrés, Karl ne serait pas né, et n’aurait pas été gazé.
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Le roman est très bien écrit, et sous la plume d’Anouar Benmalek on se retrouve tout d’abord dans un wagon en route pour Auschwitz puis dans la « salle de douche », dans un Sonderkommando, dans un appartement berlinois, en Algérie puis en Afrique de l’Ouest, dans une ferme puis dans un camp de concentration. Chaque situation est très bien décrite, des moments souvent tragiques prennent vie grâce au talent de l’auteur : on ressent la noirceur absolue de l’enfermement à Auschwitz à travers Manfred qui en tant que Sonderkommando doit brûler des Juifs, comme lui, la tension dans l’appartement de Berlin, la détermination à résister d’Hitjiverwe. Malgré les drames, trois belles histoires d’amour se dégagent de ce livre : celle de Karl et Héléna qui se sont rencontrés dans le wagon, celle de Manfred et Elisa, celle de Ludwig et Hitjiverwe.
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Anouar Benmalek a le mérite de mettre en avant un épisode oublié de l’histoire : le massacre des peuples d’Afrique de l’Ouest qui ont combattu contre les Allemands, les Hereros et les Namas. Je n’étais pas du tout au courant de cette tragédie, ni du fait que les Allemands avaient déjà mis en place des camps de concentration vers 1905 dans ce qui deviendra la Namibie. Le processus qui mènera à l’extermination des Juifs et des Tsiganes quelques décennies plus tard avait donc commencé en Afrique.
« Fils du Shéol » est un roman très sombre, avec des passages très durs, mais aussi des moments lumineux malgré les drames. Un beau livre très bien écrit, qui met en lumière les origines des camps de concentration allemands.
Publié le 19 Août 2015 aux Editions Calmann-Levy, 416 pages.
22e participation au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015
Seconde fois que je me fais cette réflexion ce matin, pendant mon tour des blogs : heureusement que les blogueurs littéraires sont là pour nous montrer du doigt d'autres titres, d'autres auteurs que ceux dont tout le monde parle. Merci pour cette découverte.
Effectivement, je n'ai pas entendu parler de ce livre, et surtout je ne l'ai pas croisé chez mes libraires non plus, eux qui parfois décident de mettre en avant d'autres titres…Le sujet est lourd, étrangement je lis le destin d'une famille allemande sur 4 générations .. l'impression d'être de l'autre côté
Pas entendu parler de ce livre non plus mais ça me tente bien, ton billet donne envie de le lire.
En fait, l'"invention" des camps de concentration a bien eu lieu en Afrique, mais encore un peu plus tôt, et par les Anglais, lors de la guerre des Boers en 1900 :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_de_concentration
Merci pour l'idée de lecture, je ne connaissais pas ce livre.
@ Tiphanie : merci 🙂
@Electra : c'est vrai je ne l"ai pas croisé en librairie non plus. Quel est le roman que tu lis en ce moment?
@ Sandrine : merci 🙂 je suis d'accord avec toi, la blogo est une vraie richesse au niveau découvertes!