Daphné du Maurier, l’héroïne du document de Tatiana de Rosnay « Manderley Forever », est bien sûr l’auteure du célèbre Rebecca, adapté au cinéma par Hitchcock, mais aussi de nombreux autres livres moins connus du grand public. « La Poupée » est un recueil de nouvelles écrites dans sa jeunesse, dont le texte éponyme met d’ailleurs déjà en scène une jeune femme appelée Rebecca…
Quel recueil sombre et dérangeant! Chez Daphné du Maurier, ces treize nouvelles sont diverses et variées, mais leur point commun est qu’ il y a bien peu d’espoir, que ce soit pour les destins individuels ou pour les couples. La plume de l’auteure est souvent très ironique, et appuie là où cela fait mal.
« Vent d’Est » évoque une petite île à l’atmosphère amorphe dont les habitants, peu nombreux, ont très peu de contact avec l’extérieur. Un jour accoste un bateau, et un déferlement de marins va complètement changer l’ambiance de l’île… »Piccadilly » et « Mazie » évoquent les bas-fonds londoniens, avec une héroïne portant d’ailleurs le même prénom, une femme de chambre devenue pickpocket par amour et qui va glisser vers la prostitution. « La Sangsue » a pour narratrice une jeune femme qui nous raconte sa vie : sous le récit innocent se cache une rare toxicité… »Le Minet » est l’une des nouvelles que j’ai préférées dans ce recueil : une jeune fille très naïve sort du pensionnat, pensant que sa mère sera contente de voir qu’elle est enfin devenue fine, jolie et élégante. Mais la mère en est malade, tandis que son amant, une sorte de gigolo, est tourneboulé par la nouvelle féminité de cette jeune fille innocente qui n’a toujours pas compris que sa mère et lui forment un couple et l’appelle « son oncle »… »Notre père » met en scène un prêtre hypocrite qui, derrière une façade de respectabilité, ne pense qu’à sortir, séduire les femmes et grimper dans la haute société. Cela va avoir des conséquences dramatiques lorsqu’un jeune noble de sa paroisse lui demande de l’aider à se sortir d’une situation bien embarrassante…Puis il y a toute une série de nouvelles sur le couple, certaines assez drôles comme « Frustration » où un couple fiancé depuis 7 ans se marie pour enfin passer à l’acte…mais tout semble se liguer contre eux afin qu’ils ne consomment jamais leur mariage ! « Des tempéraments contraires » et « Week end » font également sourire en soulignant les incompréhensions qu’il peut y avoir entre hommes et femmes pour le premier et les ravages qu’une série de couacs peut provoquer sur un bonheur a priori parfait. « Le chagrin n’a qu’un temps » évoque le doute qui s’installe chez une femme qui, à la suite de la faillite du couple de sa meilleure amie, remarque un changement de comportement chez son mari. Quant à « Et ses lettres se firent plus sèches », à mes yeux l’une des plus belles réussites de ce recueil, elle présente une série de mots envoyés par un homme à une femme qu’il courtise – nul besoin de préciser que le ton à la fin n’est plus celui du début…
Mais il faut également parler de la nouvelle qui donne son titre au recueil, » La Poupée ». Celle-ci avait fait scandale à l’époque, et l’éditeur de Daphné du Maurier avait refusé de la publier : un homme rencontre une jeune femme assez mystérieuse à une soirée et tombe amoureux d’elle. La femme a un comportement étrange, un jour semblant être attirée par l’homme, un jour le repoussant et l’homme ne tarde pas à soupçonner qu’elle cache un secret… Mais un soir il découvre qu’elle entretient une relation très particulière avec une poupée grandeur nature nommée Julio…
Toutes les nouvelles de « La Poupée », chacune dans leur genre, m’ont plu, à part « La vallée heureuse » un texte assez onirique dont je suis passée complètement à côté. Elles sont très maîtrisées et percutantes, malgré le jeune âge de l’auteure à l’époque de leur écriture, et possèdent une atmosphère très particulière et prenante. Une autre façon de découvrir Daphné du Maurier, dont les textes de jeunesse contiennent déjà des scandales, de l’hypocrisie, des atmosphères sombres et des couples qui se délitent, des éléments que l’on retrouve dans son livre majeur « Rebecca ».
Publié le 2 Mai 2013 aux Editions Albin Michel, traduit par Marilou Pierrat, 280 pages.
Troisième participation au Mois Anglais 2016 organisé par Lou et Cryssilda.
Même si je la connais de nom, je n’ai jamais rien lu de Daphné du Maurier. Du coup, ce recueil me semble une bonne occasion de découvrir son univers. À moins que « Rebecca » soit une meilleure entrée en matière???
Je te conseille quand même Rebecca qui est son œuvre majeure
J’ai beaucoup aimé Rebecca et je dois encore lire ses autres oeuvres – moi qui aime les nouvelles, ce recueil tombe à pic et cette histoire de poupée!
quelle bonne idée pour le Mois anglais !
Je l’ai acheté par hasard en Mai, à point nommé pour le Mois Anglais et je suis ravie de cette belle decouverte
J’ai bien l’intention de découvrir ce recueil bientôt (d’ailleurs j’ai envie de découvrir au maximum l’œuvre de Daphne du Maurier).
Moi aussi ça me donne envie de lire l’Auberge de la Jamaïque et Ma Cousine Rachel !