J’ai découvert Colum McCann avec son dernier livre, au titre si particulier, « Apeirogon », mot qui désigne une figure géométrique au nombre infini de côtés.
Dans cet ouvrage à la construction très particulière, l’auteur irlandais nous raconte l’histoire de deux familles frappées de plein fouet par le conflit israélo-palestinien. Smadar Elhanan meurt à l’âge de 14 ans en 1997 dans une attaque terroriste à Jérusalem. En 2007, Abir Aramin, dix ans, meurt d’une fracture du crâne causée par une balle en caoutchouc tirée par un soldat israélien alors qu’elle se rendait à l’école à Anata en Cisjordanie. Leurs pères respectifs, Rami, ancien combattant de l’armée israélienne, et Bassam, qui a passé sept ans dans les prisons israéliennes, militent tous deux dans l’association « Fight for Peace et sont très amis. Ils donnent des conférences, s’expriment dans les médias, en racontant leur histoire, leur souffrance, pour prôner la paix et le rapprochement entre les peuples.
J’ai ouvert ce livre avec un a priori très positif, mais j’ai vite été décontenancée par la forme. Je m’attendais à une non-fiction assez classique, linéaire, et je me suis retrouvée face à une succession de mini-chapitres, numérotés de 1 à 500, 1001, puis de 500 à 1, et à un récit fragmenté, entrecoupé de digressions diverses. Ce qui est raconté est très accessible, mais je me suis demandé où voulait en venir l’auteur : au début, j’avais l’impression qu’il me livrait en vrac les kilomètres de notes qu’il avait prises durant des années de recherche et de documentation, et je ne voyais pas vraiment le lien entre certaines digressions, notamment celles, nombreuses, consacrées aux oiseaux, et l’histoire des deux filles et de leurs pères.
La partie « ascendante » du livre a représenté pour moi la phase d’apprentissage, où j’ai apprivoisé ce livre. Le milieu est une prise de parole, la transcription de discours des pères, bouleversante, c’est l’acmé de l’ouvrage. Lorsque je suis arrivée à la partie descendante, tout s’était mis en place, j’ai compris ce que souhaitait faire l’auteur, et je me suis sentie vraiment à l’aise dans ce livre, dont j’ai trouvé la construction brillante. Les vignettes sont toutes liées, par un mot, un thème, comme un cheminement de la pensée, pour former une mosaïque qui ancre les histoires personnelles des deux familles dans des ramifications historiques, géographiques, politiques. Si la forme est très maîtrisée, le fond est poignant et magnifique : les destinées de Bassam et Rami, leur engagement, sont exceptionnels et valent vraiment la peine de se donner un peu de mal pour lire cet ouvrage long et dense.
Un livre qui nécessite de bonnes conditions de lecture, mais qui vaut vraiment le coup de s’accrocher, car le résultat est marquant et essentiel.
Publié en Août 2020 aux éditions Belfond, traduit par Clément Baude, 512 pages.
39e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2020.
A retrouver à l’affiche du 107e épisode du podcast littéraire Bibliomaniacs ici.
Bonsoir Eva, un de mes livres de l’année 2021. Je l’ai trouvé d’accès très facile et j’ai aimé la manière qu’a l’écrivain de passer du coq à l’âne sans que le lecteur soit perdu. Bonne soirée
Bonjour Dasola, oui cette construction est fabuleuse !