Lu un peu par hasard, « Nos secrets trop bien gardés » de Lara Prescott a été une très bonne surprise!
Ce roman choral se déroule sur une dizaine d’années, durant la Guerre Froide, avec une partie à l’Est, et une autre à l’Ouest. On y fait la connaissance d’Olga Vsevolodovna Ivinskaïa en 1949, alors qu’elle est arrêtée et emmenée pour un interrogatoire : on comprend qu’elle est depuis plusieurs années la maîtresse de Boris Pasternak, qui est en train de rédiger « Le Docteur Jivago ». Il se dit que ce roman serait anti-soviétique, et si l’auteur, très connu, semble intouchable, ce n’est pas le cas d’Olga…
Quelques années plus tard, côté Ouest, un groupe de jeunes femmes travaillent comme dactylos pour la CIA à Washington. Parmi elles, certaines effectuent en cachette des missions secrètes, notamment Irina, d’origine russe, et Sally, un peu plus âgée, qui a brillé durant la Seconde Guerre Mondiale. Lorsqu’en 1957, Pasternak termine enfin « Le Docteur Jivago », l’auteur ne peut pas publier son roman en URSS mais il accepte de vendre les droits à un éditeur italien – le roman va donc être publié à l’Ouest et devenir un grand succès. La CIA décide de se servir du livre comme objet de propagande en faisant entrer clandestinement en URSS la version russe…
J’ai lu avec grand plaisir ce roman qui met en avant la condition féminine et le pouvoir de la littérature. Que ce soit à l’Est ou à l’Ouest, les femmes sont en première ligne pour être utilisées et détruites : la célébrité de Pasternak le protège, mais son grand amour Olga sera le bouc émissaire de l’Etat répressif, et la boucle du début et de la fin du roman le montre douloureusement. Quant aux agentes américaines, elles ont été indispensables durant la Guerre, mais ont été renvoyées ensuite dans leurs foyers ou dans des postes administratifs.
Je savais que « Le Docteur Jivago » avait été censuré durant plusieurs décennies en URSS, et que sa publication dans le monde occidental ainsi que le Prix Nobel de Littérature proposé à Pasternak en 1958 avaient été un grand bouleversement, mais j’ignorais que ce livre avait été un vecteur de propagande. Le roman est riche, passionnant, avec des personnages attachants – Olga, Irina, et Sally en tête, la dernière m’ayant d’ailleurs fait penser à Joan Holloway dans Mad Men.
Qui aime « Le Docteur Jivago », le roman comme le film, d’ailleurs, l’histoire de l’URSS, et les personnages féminins ne pourra qu’aimer ce livre. J’imagine d’ailleurs très bien « Nos secrets trop bien gardés » être adapté au cinéma ou en série. Une jolie découverte !
Publié chez Robert Laffont en 2021, traduit par Christel Gaillard-Paris, en poche chez Pocket, 544 pages.
Celui-ci est dans ma pile à lire, tu me donnes envie de le lire prochainement 🙂
j’espère qu’il te plaira !