Deuxième livre de Yonatan Berg, « Quitter Psagot » est un récit autobiographique qui revient sur la jeunesse de l’auteur, qui s’est déroulée, comme le titre l’indique, à Psagot, qui est une colonie israélienne en Cisjordanie, à proximité de Ramallah.
Tout est très paradoxal dans ce que nous raconte Yonatan Berg, que ce soit l’ambiance qui règne dans cette colonie, l’environnement autour de Psagot, les choix de ses parents, ou même ses propres sentiments par rapport à la communauté dans laquelle il a grandi.
Dans la colonie, tout est bâti sur du « contre » : « contre la société israélienne de l’autre côté de la ligne verte, contre la laïcité, contre les Palestiniens, contre les contingences diplomatiques, contre l’opinion publique mondiale. » Cela donne un sentiment d’appartenance, un esprit communautaire, un côté vase clos rassurant, où les enfants peuvent jouer en toute liberté, et dans un certain laxisme, malgré le côté très religieux. Et pourtant, la peur, la tension, la violence ne sont jamais loin. Si ce sont des ouvriers palestiniens qui ont construit la colonie (!), il n’y a pourtant aucune curiosité pour eux, aucune velléité d’échange, le Palestinien est l’ennemi, que l’on craint et/ou que l’on cherche à dominer, voire peut-être pire, que l’on cherche à dissimuler, effacer, par des clôtures et des routes de contournement. Si une partie de la colonie donne sur des villages palestiniens et plus loin, Ramallah, l’autre vue montre des collines, puis la Mer Morte, avec un sentiment de liberté et d’immensité.
On ne saura pas vraiment pourquoi les parents de Yonatan ont choisi de s’installer dans cette colonie en 1985, et d’y élever leurs quatre fils. Le père, immigré russe, un homme complexe, a pourtant un caractère individualiste, un côté très intellectuel, une volonté d’entreprendre qui ne semblent pas très compatibles avec les valeurs encouragées à Psagot. On ne saura pas vraiment non plus pourquoi les parents ont choisi d’envoyer leurs enfants étudier dans des écoles religieuses qui ne sont pas pro-colonies puis, en tout cas pour Yonatan, dans un internat qui va lui faire prendre du recul par rapport à Psagot.
C’est cependant après plusieurs expériences traumatisantes lors de son service militaire que Yonatan Berg va vraiment s’éloigner de Psagot, puisqu’il va voyager pendant trois ans dans des contrées lointaines, s’ouvrir à d’autres cultures, faire tout un travail sur lui-même et réaliser qu’il ne peut plus vivre dans une colonie, basée sur une idéologie et des valeurs qui ne sont pas les siennes.
Et pourtant, son discours n’est pas manichéen. Il a de très bons souvenirs de son enfance, est parfois tiraillé entre des sentiments contradictoires, lorsqu’il a la nostalgie de ce côté communautaire, de l’esprit d’appartenance, et s’agace des clichés sur les colons. Au-delà de sa trajectoire personnelle , et du périmètre de la colonie, c’est aussi de la société actuelle israélienne que nous parle de l’auteur : une société plurielle, mosaïque, elle aussi paradoxale (lui dit schizophrène), qui oscille entre religion et laïcité, bien-être et violence, ouverture et fermeture, Loi et illégalité, individualisme et communautarisme.
« Quitter Psagot » est un texte passionnant, avec des références, notamment à différents courants religieux, qui ne sont pas toujours très accessibles, mais dont le propos est néanmoins très clair. A découvrir !
Publié en Janvier 2021 aux éditions de l’Antilope, traduit par Laurence Sendrowicz, 254 pages.
9e lecture de la Rentrée Littéraire de Janvier 2021.
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