Difficile de passer à côté de la couverture de « L’amour est une maladie ordinaire », de François Szabowski : quatre Ken en slip kangourou…et un bandeau clamant que « Amélie Nothomb a adoré ce livre ».
Dans ce livre, François, 38 ans, qui n’a enchaîné que des échecs dans sa vie sentimentale, se sent enfin bien dans le couple qu’il forme avec Marie depuis quelques mois. Après des débuts laborieux, Marie est désormais amoureuse et très attachée à lui. Alors, François prend peur : avec le temps, leur relation va s’user, Marie va se détacher de lui petit à petit, son amour va diminuer et elle finira par le quitter. Alors, pour que Marie l’aime pour toujours, pour lui laisser un souvenir impérissable, François décide de se suicider au moment où leur relation est à son acmé. Mais il rate son suicide…à l’hôpital, il trouve un plan B : il va mettre en scène sa mort et se réinventer. Avec l’aide de son ami Didier, homme amnésique qui ignore tout de sa véritable identité, François fait en sorte que Marie croie qu’il est décédé, et change de vie : nouvel appartement, nouveau look, nouvelles habitudes…
J’avoue que j’ai été déstabilisée, au début du livre, par le comportement de François. Si je peux comprendre ce désir de « mourir en pleine gloire » pour laisser un souvenir parfait (toutes ces stars que nous admirons encore des décennies après leur mort – James Dean, Marilyn Monroe, Kurt Cobain, Che Guevara…- seraient-elles pleurées de la même manière, seraient-elles devenues des mythes si elles étaient décédées des années plus tard, vieillies, bouffies, peut-être corrompues et sur le déclin?), j’ai trouvé que François agissait comme un psychopathe, voulant tellement être inoubliable et aimé de façon inconditionnelle qu’il était prêt à faire souffrir sa compagne…pour rien.
Et pourtant – sans doute le talent de François Szabowski – j’ai fini par m’attacher à François et à sa conception complètement viciée de l’amour. Afin de ne pas être démasqué, il adopte un look gothique, déménage à l’autre bout de Paris – en évitant soigneusement les quartiers où il pourrait tomber sur Marie – change de travail…François est complètement frappé, mais avec une candeur et une totale absence de méchanceté qui fait qu’on finit par adhérer à son point de vue au lieu d’avoir envie de le mettre hors d’état de nuire. Le problème est qu’être au centre des pensées de quelqu’un, se sentir exceptionnel, finit par devenir une drogue pour le jeune homme qui…récidive avec deux autres jeunes femmes – et toujours avec changement de look, changement de vie, changement de quartier à la clé. Et à force de tout faire pour ne pas être repéré…François commence à devenir littéralement invisible. Mais c’est sans compter toute une série de rebondissements, avec un twist final inattendu.
D’un personnage qui aurait sa place sur le divan d’un psy, l’auteur a su écrire un roman plaisant et bien construit, une fable assez cinématographique sur la peur de l’engagement et les stratégies d’évitement. Sous un abord léger, « L’amour est une maladie ordinaire » est en effet plus profond et complexe qu’il n’en a l’air. Le récit est bien mené, écrit de façon fluide, avec rebondissements et retournements de situation, et aussi une poignée de personnages attachants, Didier et Marie en tête. Une lecture qui aurait pu être dérangeante et qui, au final, s’avère agréable et divertissante.
Publié en Août 2017 aux éditions du Tripode, 280 pages.
22e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2017.
Nous sommes bien d’accord sur ce roman. Je n’irai pas jusqu’à dire que je me suis attachée à François mais je ne l’ai pas trouvé si détestable qu’il n’y paraît sûrement parce qu’il y a cette profondeur dans le roman qui nous fait réfléchir sur notre comportement vis à vis de l’amour.
effectivement, il y a cette réflexion sur notre attitude vis à vis des relations amoureuses, et pour François, j’ai fini par m’attacher à lui parce qu’il n’y a rien de méchant ou de mesquin en lui…
Bon, entre la couverture et le personnage tel que tu le décris (sans parler du sujet), il n’y a pas grand chose qui m’attire dans ce roman.
s’il y avait eu des nanas en slip sur la couverture, je suis sûre que tu te serais précipité sur ce livre 😀
ça sent le déjà lu, entre Alexandre Jardin et L’homme qui s’envola de Bello, non? Bof bof pour ma part…
je n’ai lu qu’un livre d’Alexandre Jardin, le Roman des Jardin, donc je ne saurais pas te dire s’il y a des similitudes…j’ai par contre lu le Bello cet été, mais même si les deux évoquent une disparition orchestrée je n’ai pas eu d’impression de déjà-lu, le Bello est une chasse à l’homme, alors que celui-ci est plus une comédie romantique
euh là.. tu m’as perdu ! j’ai eu mon lot de personnages détestables cette année (tu le sais …) donc je passe mon chemin 😉
au début il est détestable, mais finalement à force je l’ai trouvé attachant! mais oui, je peux comprendre que ce ne soit pas ta priorité 😀
Que faut-il en tirer sur nos attitudes vis-à-vis de l’amour, d’après ce livre?
Je me permets de répondre, je pense que ce qui nous sautes au visage en lisant ce roman c’est notre égoïsme profond vis-à-vis de l’amour. L’amour est censé se construire à deux et finalement on revient toujours à nous même. En tout cas pour ma part je l’ai perçu comme ça lorsque j’ai lu ce roman. Mais curieuse d’avoir la vision d’Eva.
Je suis d’accord avec Amandine, je pense aussi que c’est le message de l’auteur. Si François aimait vraiment ses compagnes, jamais il ne pourrait supporter de les quitter comme il le fait. En fait, il aime qu’on l’aime, et il aime penser qu’il sera aimé pour toujours. Il veut que la relation soit tournée vers lui, et pas que la relation soit une expérience partagée et construite à deux.