Une Education Catholique – Catherine Cusset



Cela faisait une éternité que je n’avais pas lu de livres de Catherine Cusset, et après « La Haine de la Famille » et « Le Problème avec Jane », j’avais hâte de profiter de la rentrée littéraire pour lire son nouvel opus « Une Education Catholique ».

Le roman s’appelant « Une Education Catholique », et étant moi-même en pré-lecture du « Royaume » d’Emmanuel Carrère, je m’attendais à une analyse des rapports de Catherine Cusset, ou plutôt de son double littéraire Marie, avec Dieu et la religion, puisque Marie a la particularité d’avoir un père très catholique, ayant même longtemps songé à devenir prêtre, et une mère juive de naissance mais baptisée par nécessité pendant la guerre. Il y a en effet de cela dans le roman, mais cela n’en représente qu’une facette: il s’agit plutôt de la construction d’une femme, que l’on suit de l’enfance au milieu de la vingtaine, entre l’évolution de sa personnalité, ses relations amicales et sa vie sexuelle et sentimentale.
Catherine Cusset ne fait pas dans la dentelle quand elle décrit le personnage de Marie, et ne cherche pas non plus à attirer la sympathie dans ce récit à forte connotation autobiographique: même si non dénuées d’humour, les descriptions sont sans concession et brutalement honnêtes tant dans les détails (la petite culotte sale) que dans les ressentis (lorsque Marie a le sentiment qu’elle utilise la mort de son neveu pour se rendre intéressante et pour s’éloigner du joug de son amie).
J’ai trouvé que l’auteur décrivait avec brio les amitiés féminines et la façon dont celles-ci peuvent déraper dans la haine ou dans des relations de force: l’épisode de l’amitié avec Ximena m’a semblé très intéressant à ce niveau : c’est une amitié qui commence par une initiation sexuelle, qui même si elle ne perdure pas, instaure un climat d’exclusivité et de domination, où Marie, convaincue que Ximena lui est supérieure intellectuellement, est phagocytée par son amie, qui durant plusieurs années, décide de tout et l’isole des autres.
Cette intensité et cette exclusivité, on la retrouve également dans sa relation avec Samuel, le premier amour: fusionnelle à tendance hystérique, Marie ne peut vivre sans Samuel et ne peut supporter qu’il la quitte ne serait-ce que pour des vacances, mais le trompe à tour de bras et sans même se cacher. Là aussi, j’ai trouvé ce passage très intéressant au niveau psychologique: Marie veut être rassurée, elle veut un homme qui la sécurise, qui soit là pour elle et rien que pour elle, mais veut également expérimenter et découvrir le monde.
Je pense que beaucoup pourront trouver Marie antipathique ou manipulatrice et être rebutés par l’absence de tabous et le manque de pudeur de la narratrice tant au niveau de ce qu’elle pense que dans les détails qu’elle donne. Je n’ai pas été gênée car j’ai aimé cette franchise, et ai été fortement intéressée par la description de cette amitié intense et des débuts de la vie sentimentale de Marie, ainsi que par sa relation amour/haine avec sa sœur. Peut-être me suis-je également reconnue dans certains épisodes, et j’ai aimé que Marie assume des passages peu glorieux de sa vie, comme nous en avons tous, et qui font partie de notre construction et de notre évolution.
Je ne suis donc pas sûre que ce roman plaise au plus grand nombre, mais moi qui n’aime pas quand un auteur se livre sur la place publique et met en avant des détails intimes, j’ai été séduite par l’honnêteté qui se dégage de ce récit.
Huitième contribution au challenge 1% rentrée littéraire 2014 organisé par Hérisson.

11 commentaires sur “Une Education Catholique – Catherine Cusset

  1. Tu vois, a priori, celui-là je l'aurais évité, justement à cause du "catholique" dans le titre..et finalement tu me donnes envie de le découvrir ! L'histoire de la domination en amitié, ça me fait penser à Nothomb dans "Antechrista" (et d'ailleurs ce titre réfère aussi à la religion !)

    1. Ximena est beaucoup moins perverse que Christa, mais effectivement il y a des points communs… la partie "catholique" du roman ne tient même pas un tiers du récit…le titre ne reflète pas vraiment le roman.

    1. oui je suis surprise qu'il y ait aussi peu d'avis alors que Catherine Cusset est un écrivain reconnu…peut-être parce que les aficionados sont déçus et n'ont pas envie de publier un avis négatif?

  2. Moi qui suis Cussetophile, je peux te dire que j'ai été vraiment déçue par cet opus, ça me fait mal au coeur de publier un billet plus que mitigé sur cette romancière que j'aime beaucoup. Par contre je suis d'accord avec toi, elle s'écorche sévèrement quand elle se met en scène avec Marie.

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