Quand le Diable sortit de la salle de bain – Sophie Divry

 .
Sophie Divry est une auteur que j’avais repérée lors de la sortie de son précédent roman « La Condition Pavillonnaire », mais que je n’avais pas lu de peur de tomber, vu le titre, sur un récit froid et vaguement ennuyeux. Son nouveau livre « Quand le Diable sortit de la salle de bain » m’a tout de même attiré l’oeil avec son titre intriguant et sa couverture graphique…

Sophie, trentenaire et chômeuse de longue durée, vit des minima sociaux à Lyon, entre calculs frénétiques pour ne pas être à découvert, batailles avec l’administration pour toucher ses allocations, et la faim de fin de mois. Peu de vie sociale car les sorties, ça coûte cher, un seul ami, Hector, chômeur longue durée comme elle et grand dragueur, une famille qui habite loin, qui s’est habituée à la voir chômeuse et ne se rend pas bien compte de la dèche monumentale dans laquelle elle vit. Le scan de l’appartement pour trouver un objet à vendre sur leboncoin, un livre à vendre chez Gibert, histoire d’avoir quelques euros pour pouvoir manger les derniers jours du mois.
 .
Cela pourrait être le roman le plus triste du monde, et pourtant, même si Sophie ne cache rien de la galère monstrueuse dans laquelle elle se trouve et que le fond reste sérieux, sincère et juste, empreint de mélancolie et parfois de colère, la forme est complètement barrée, foutraque, avec une langue inventive, faite de néologismes et de contractions folkloriques, des digressions complètement folles, une mise en page parfois originale… Moi qui ne suis pas adepte du loufoque, j’ai été séduite par « Quand le Diable sortit de la salle de bain » justement parce que c’est la forme qui l’est, et pas le fond, qui reste une histoire cadrée, une tranche de vie où l’on suit Sophie l’espace de quelques semaines, à Lyon, puis chez sa mère à l’occasion d’un événement familial, puis dans sa tentative de se reconvertir dans la restauration. C’est sérieux tout en étant drôle, c’est inventif, c’est énergique, même si le désespoir n’est jamais loin. J’ai parfois décroché quand cela partait dans un délire un peu « trop too much » comme dirait Bertrande, personnage adepte des pléonasmes, mais juste le temps de quelques pages.
 .
J’ai quand même grincé des dents à un moment, lorsque Sophie évoque le voile  et fustige d’abord « une Assemblée essentiellement masculine » qui l’a interdit à l’école, et « la misogynie chez les hommes excités par le pouvoir d’imposer un déshabillement à des collégiennes », puis s’attaque à « un féminisme de mauvais aloi s’enfermant dans une unique voie émancipatrice face à des filles pourtant capables de détourner le stigmate pour faire du port du hijab un acte d’émancipation, acte d’une pudeur et d’une religiosité décrétées anachroniques », en montrant du doigt « ces féministes blanches ».
Les législateurs seraient donc des pervers pépères et les féministes anti-voile uniquement des blanches bornées adeptes de la pensée unique… Intéressant.
.
« Quand le Diable sortit de la salle de bain » de Sophie Divry est un roman ovni, avec une forme inventive et originale, qui donne un bon coup de pieds aux conventions mais appuie également là où ça fait mal. Une écriture vive et agréable, dépoussiérante, mais dont le fond reste sérieux et très actuel. A découvrir.
 .
Publié le 20 Août 2015 aux Editions Noir sur Blanc (Notabilia) , 320 pages.
14e participation au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015

8 commentaires sur “Quand le Diable sortit de la salle de bain – Sophie Divry

  1. Je te conseille vraiment son précédent livre "la condition pavillonnaire", excellente vision de la condition féminine, pas du tout ennuyeuse.
    J'avais repéré son nouveau roman qui me semble complètement différent du précédent, une prochaine lecture…

  2. Le coté foutraque me faisait craindre le pire et finalement ça passe. Parce qu'elle ne se contente pas de ça justement, et qu'il y a une forme de réalisme très touchant derrière "le délire".

  3. @Jérôme : exactement …
    @Dasola : je n'ai pas été frustrée par la conclusion, mais c'est vrai que ce roman a le potentiel pour être le premier volume d'une sêrie
    @Noukette : je pense que oui, car la forme est loufoque mais le fond est réaliste
    @Marie-Claude : bon, toi aussi tu me donnes vraiment envie de lire La Condition Pavillonnaire du coup
    @Delphine : c'est vrai qu'on ne manque pas de livres à lire…
    @Joëlle : c'est décidé je le lirai !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *