Le Bleu est une Couleur Chaude – Julie Maroh

Comme beaucoup, j’ai entendu parler du « Bleu est une Couleur Chaude » de Julie Maroh lors de son adaptation au cinéma par Abdellatif Kechiche sous le nom de « La Vie d’Adèle »…Un petit tour à la médiathèque m’a donné envie de lire cette bande dessinée qui évoque l’homosexualité féminine.

Pas d’Adèle dans cette histoire, mais Emma (la fille aux cheveux bleus) et Clémentine. Au début de la BD, Emma, de nos jours, se rend chez les parents de Clémentine, qui vient de décéder. Celle-ci a laissé des instructions très claires à ses parents pour qu’Emma puisse accéder à sa chambre et lire ses journaux intimes, dont le premier a été écrit quand Clémentine avait quinze ans. A l’époque, lycéenne, elle croise par hasard dans la rue une jeune femme aux cheveux bleus, qu’elle n’arrive pas à se sortir de la tête, même si elle ne peut s’empêcher de penser qu’en tant que fille, elle doit sortir avec un garçon. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait, même si elle se rend bien compte qu’elle ne se sent pas à sa place dans cette relation, malgré la gentillesse du jeune homme, très amoureux. Un soir où elle suit un de ses camarades de classe dans un bar homo, elle recroise la fameuse fille aux cheveux bleus, accompagnée de sa petite amie. Clémentine et Emma vont longuement discuter et se rapprocher, mais quand, le lendemain, Emma vient attendre Clémentine à la sortie du lycée, celle-ci subit les réflexions homophobes de ses camarades de classe et leurs moqueries…

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« Le Bleu est une Couleur Chaude » nous raconte les débuts d’une histoire d’amour entre deux femmes, l’une, dans la vingtaine, sûre de son homosexualité et de ses choix, et l’autre, plus jeune, qui se cherche encore, et qui est perdue entre ce qu’elle voudrait être – une jeune fille hétérosexuelle et sans histoires- et l’attirance qu’elle ressent pour une autre femme et qui la précipite dans un monde hostile, entre moqueries et rejet. Cette histoire d’amour, outre les doutes de Clémentine, est contrariée par des éléments extérieurs – l’homophobie, des camarades de classe comme celle des parents de Clémentine, mais aussi le fait qu’Emma soit déjà impliquée dans une relation durable avec une autre femme.

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Je n’ai pas vu « La Vie d’Adèle » donc je ne peux pas faire de comparaisons entre le film et la BD, mais la BD nous délivre une histoire vraiment sensible, portée par des dessins que j’ai trouvé très beaux, et des personnages attachants, notamment Clémentine, dont on découvre les doutes à la fois à travers les scènes représentées mais aussi avec ce qu’elle confie à son journal intime, au fil du temps. Si j’ai aimé les personnages, le trait et le traitement de la couleur, et la finesse du récit j’ai néanmoins quelques bémols. Déjà quelques fautes d’orthographe dans le texte qui m’ont fait un peu tiquer, même si c’est un détail. J’ai surtout trouvé que la construction de l’histoire lui enlevait de la densité : le récit est en fait basé sur un flash-back, initié par la lecture du journal intime de Clémentine adolescente lu par Emma quinze ans après les faits. On découvre donc les prémices de l’histoire d’amour entre les deux jeunes femmes, avant de sauter quinze ans pour être confronté aux difficultés du couple lorsqu’elles ont une trentaine d’années. J’ai regretté que cette partie plus contemporaine ne soit pas très développée, ce qui la rend finalement assez dispensable, et je n’ai pas trouvé que la mort de Clémentine apportait vraiment quelque chose au récit, à part un côté mélodramatique qui n’était pas nécessaire. Mais l’épisode de l’hôpital permet quand même de souligner,  et c’est très important, qu’Emma, qui est la compagne de Clémentine depuis quinze ans, n’est pas considérée comme étant de la famille par le personnel hospitalier, pour qui les référents sont uniquement les parents de Clémentine, ce qui ne se serait sans doute pas passé ainsi dans le cas d’une relation hétérosexuelle.

Malgré ces bémols, « Le Bleu est une Couleur Chaude » est une bande dessinée tendre et marquante, qui présente une belle histoire d’amour, à la fois romantique et contrariée. La plume et le trait de l’auteure, Julie Maroh, m’ont beaucoup plu, et j’aimerais découvrir plus en profondeur son travail… En tout cas, cela m’a donné envie de visionner « La Vie d’Adèle » pour voir comment l’histoire a été adaptée au cinéma.

Publié en Mars 2010 chez Glénat, 160 pages.

31 commentaires sur “Le Bleu est une Couleur Chaude – Julie Maroh

  1. C’est une bd que j’avais beaucoup appréciée pour ses dessins et l’histoire. Contrairement à toi, j’avais vu le film avant et je n’avais pas aimé le côté « hyper sexuel » et le jeux des actrices. Et c’était avec grand espoir que je m’étais jetée sur ce livre qui (pour ma part) est plus intéressant que la version cinéma.

  2. J’en garde le sentiment d’un très bon souvenir de lecture, même si je ne me rappelle plus vraiment de l’histoire. C’est un album que je me verrais bien relire (ce qui m’arrive rarement !).
    PS : je découvre ce soir ton blog, très joli et agréable à parcourir ! 🙂

    1. j’ai lu ton billet, je vois que nous avons les mêmes réserves (la fin tragique et l’énorme ellipse – j’aurais préféré soit que la BD s’arrête 15 ans avant, soit qu’on ait une vision plus globale de leur vie commune, soit que les deux parties – les prémices puis 15 ans après- soient traitées de façon égale )

  3. Je l’ai croisé à la BM et j’ai failli l’emprunter mais j’ai vu le film et j’en garde un mauvais souvenir ! Encore heureux que je l’ai vu chez moi, j’ai pu me mettre à faire autre chose en même temps – en lisant ton billet, le film n’est pas l’adaptation fidèle de la BD, Clémentine n’est pas décédée et en fait les deux femmes se séparent assez vite et refont leurs vies (au bout de 3 ou 4 ans)….
    Et puis le film les montre à poil les 3/4 du temps- les actrices ont ensuite expliqué que bon, le réalisateur, a pris, son pied en les filmant nues sous toutes les coutures et moi c’est pas tant le fait qu’il y ait du sexe (normal) mais il a tourné le film en les filmant tout le temps en gros plan et Adèle elle pleure non stop avec la morve au nez tout au long du film – de quoi te couper l’appétit ! et le film est deux fois trop long au passage – c’est juste une histoire d’amour banale et puis le réalisateur opposait la famille prolo d’Adèle, homophobe à la famille bobo de l’autre très ouverte ..trop simpliste. mais je m’égare ! reste sur la BD si elle t’a plu ! j’aurais du faire ça !

    1. hmmmm ça casse bien mon envie de voir ce film ! en même temps, ton avis rejoint ceux que j’avais pu entendre sur La vie d’Adèle (notamment le sexe à outrance et même le côté morve au nez d’Adèle ^^)
      le côté opposition des familles est abordé dans la BD, les parents de Clémentine réagissent très brutalement à la découverte de l’homosexualité de leur fille alors que ceux d’Emma – qu’on voit vite fait – sont ouverts et accueillants.

  4. Pour lire les commentaires de Julie Maroh après les polémiques qui ont suivi la sortie de La Vie d’ Adèle :
    http://www.juliemaroh.com/2013/05/27/le-bleu-dadele/
    Je n’ai guère aimé le film, apparemment la BD présente des personnages plus attachants et mérite d’être découverte . J’en ignorais l’existence, ce n’est pas Kechiche qui en a fait la publicité ! ( Il ne l’a pas citée à Cannes )

    1. merci pour ce lien Pauline – Julie Maroh est très gracieuse dans ses paroles, mais on sent bien qu’elle est amère vis-à-vis du traitement de son oeuvre, et surtout par rapport au silence de Kéchiche à Cannes…

  5. Je n’avais pas été séduite par la BD, je l’avais trouvée caricaturale dans la façon dont elle exploite les relations homosexuelles. Et puis la façon de sauter quinze plus tard et cette partie complètement dispensable comme tu le soulignes m’avait agacée. Je n’avais pas eu envie de voir le film et quand je lis le commentaire d’Electra, je me dis que j’ai bien fait !

  6. J’ai vraiment préféré la BD ! Elle est plus sensible et belle. J’ai eu un vrai coup de coeur lors de ma lecture. J’ai aimé le film si on fait abstraction des scènes sexuelles (j’ai appuyé sur « Fast Foward » je dois l’avouer). Dans le film, les différents milieux sont très importants : famille moyenne plutôt fermée versus famille aisée et décomplexée ou encore, milieu artistique professionnel ou métier plus traditionnel. L’homosexualité n’y est pas vécue de la même manière dans chacun. J’ai aimé ce côté qui n’était qu’effleuré dans la BD.

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