L’homme qui mit fin à l’histoire – Ken Liu

Je suis toujours ravie quand j’ai un coup de cœur inattendu, et moi qui ne lis quasiment jamais de science-fiction, j’ai eu une très belle surprise avec « L’homme qui mit fin à l’histoire » de Ken Liu.

« L’homme qui mit fin à l’histoire » part d’un postulat de science-fiction, sans être vraiment en lui-même un roman de science-fiction. Le professeur Akemi Kirino, physicienne nippo-américaine, a mis au point une technique pour remonter dans le passé et assister à des événements. Ce procédé ne permet néanmoins pas de stocker les images et les données des événements du passé, ni que plusieurs personnes puissent visionner le même événement. Le mari d’Akemi, Evan Wei, un historien sino-américain, profite de cette invention pour envoyer des personnes en 1940 en Chine, dans un camp où les Japonais ont commis des atrocités sur des prisonniers, notamment des expériences médicales absolument horribles organisées par des équivalents japonais de Mengele.

KEN LIUCe livre, une novella d’une centaine de pages, fait intervenir les témoignages de divers personnages : Akemi Kirino, mais aussi des « témoins » envoyés dans le passé – surtout des descendants de victimes -, des historiens, des experts internationaux, des anciens gardiens du camp, des quidams japonais et chinois…Très vite, le récit quitte le domaine de la science-fiction pour aborder des questionnements philosophiques : qu’est-ce que l’Histoire? L’Histoire doit-elle être réservée aux seuls historiens? Peut-elle être objective? Peut-on se baser sur des témoignages pour raconter l’Histoire? Ces atrocités commises pendant la guerre sont peu connues au niveau international et n’ont jamais été vraiment reconnues par le Japon, ce qui crée des tensions entre la Chine et le Japon. Evan Wei souhaite utiliser l’expérience pour que les témoignages fassent pression sur le Japon pour qu’il admette la réalité de ces crimes de guerre et permette les excuses et les compensations. Le récit évoque alors tous les questionnements géo-politiques et juridiques d’une telle découverte : qui était souverain d’un territoire occupé pendant la guerre? un pays peut-il présenter ses excuses pour des horreurs perpétrées par un gouvernement qui a complètement disparu depuis? (le Japon n’est plus un empire depuis longtemps). Y a-t-il une prescription pour les crimes de guerre ou peut-on juger des personnes pour des crimes commis il y a plus de soixante-dix ans? Doit-on compenser les descendants des victimes ?

« L’homme qui mit fin à l’histoire » de Ken Liu est un récit court mais extrêmement dense, tout en étant très accessible, et qui génère énormément de questionnements. Je l’ai trouvé vraiment brillant et également universel : si les faits relatés (de façon très crue, âmes sensibles s’abstenir) concernent les exactions japonaises en Chine, le parallèle peut être facilement fait avec tous les crimes de guerre, tous les génocides qui font toujours l’objet d’une controverse. Un livre juste et pertinent, à découvrir d’urgence!

Publié en Août 2016 chez Belial, traduit par Pierre-Paul Durastanti, 112 pages.

39e lecture de la Rentrée Littéraire 2016.

challenge

10 commentaires sur “L’homme qui mit fin à l’histoire – Ken Liu

  1. Bien que n’étant pas adepte du genre, j’étais presque prête à ajouter ce livre à ma PAL quand j’ai vu ton avertissement. Les scènes insoutenables, je ne peux pas. Et sans doute moins encore en ce moment… Alors, tant pis, je m’en tiendrai à ton billet.

    1. ah c’est dommage…il n’y a pas tant de scènes que ça, mais c’est vrai qu’elles sont difficiles…parfois ce n’est juste pas le bon moment…

    1. il y a certaines scènes qui m’ont fait effectivement penser à Tokyo. Certaines scènes sont vraiment difficiles, mais l’ensemble du récit est quand même moins dérangeant que Tokyo.

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