« Annabel » de Kathleen Winter est un roman dont j’avais entendu beaucoup de bien et que j’avais acheté il y a quelques temps, le laissant rejoindre ma PAL foisonnante…Heureusement qu’il y a le Mois Anglais – et que Kathleen Winter est née en Angleterre, même si elle vit aujourd’hui au Canada – pour m’inciter à sortir enfin ce roman de ma bibliothèque!
En 1968, un enfant naît chez Jacinta et Treadway, dans un petit village du Labrador. Le bébé a un vagin, mais aussi un petit pénis et un seul testicule. Puisque l’accouchement s’est passé à domicile, seuls les parents et leur voisine Thomasina sont au courant de l’hermaphrodisme de l’enfant. Va-t-il vivre en tant qu’homme ou en tant que femme? Si Jacinta et Thomasina voient le bébé comme une fille, Treadway souhaite un fils. Le pénis du bébé atteignant la taille minimale pour qu’il soit déclaré en tant que garçon, ce sera donc un petit Wayne. Mais la nature n’a pas dit son dernier mot…
Wayne est donc un garçon, officiellement, et physiquement – grâce à un traitement hormonal. Un garçon que Thomasina, la voisine dans la confidence, appelle pourtant Annabel quand ils sont juste tous les deux, Annabel du prénom de sa fille, décédée quelques jours après la naissance de Wayne. Un garçon à qui sa mère a envie de parler comme à une fille. Un garçon qui se passionne pour la natation synchronisée et qui économise en secret pour s’acheter un maillot de bain à paillettes…Et surtout, un garçon qui, à l’adolescence, commence à avoir les seins qui poussent, et à avoir très mal au ventre…
Le style d' »Annabel » est assez déroutant, assez lent, un peu cotonneux, et laisse une impression d’enfermement : enfermement de Wayne dans un corps qui n’est pas le sien, enfermement de Jacinta dans une vie qui ne lui convient pas, enfermement de Treadway dans sa solitude. Wayne est un enfant, puis un adolescent attachant, un bon gamin, qui ne connait pas la vérité sur sa situation, qui sent confusément que quelque chose cloche, mais qui veut juste vivre paisiblement. Deux femmes peu ordinaires auront une forte influence sur lui : la voisine, Thomasina, la seule autre personne à savoir que Wayne est hermaphrodite, une femme non conventionnelle, qui prend son destin en main, et pense que Wayne devrait être informé de son hermaphrodisme ; la camarade de classe de Wayne, Wally, pour qui il a des sentiments entre amour et amitié, qui ne cherche pas à entrer dans la bande des pimbêches, reste fidèle à elle-même et à ses objectifs.
« Annabel » ne porte pas de jugement, chacun fait ici ce qu’il peut, avec ses moyens et ses connaissances. Comment appréhender l’hermaphrodisme, surtout dans les années 60, dans une petite ville? L’enfant doit être mis dans une case, en tant que garçon ou en tant que fille, et le genre déterminé entraîne opérations et traitements médicaux, brouillant l’identité de l’enfant et impactant sa santé. Il y a beaucoup d’amour dans ce roman, et beaucoup d’humanité. Les personnalités sont complexes, et on sent que Kathleen Winter croit en l’humain, et dans le fait que l’on peut changer, que l’on peut s’améliorer.
« Annabel » de Kathleen Winter est un beau roman, curieusement universel malgré le thème original, peu traité en littérature (je me souviens avoir lu « Middlesex » de Jeffrey Eugenides il y a une dizaine d’années, mais je crois que c’est tout…). Parfois assez lent et poétique, mélancolique, il reste très accessible, linéaire mais marquant. A découvrir!
Publié en 2014 chez 10/18, traduit par Claudine Vivier, 480 pages.
Ma sixième participation au Mois Anglais 2017!
J’avais beaucoup aimé aussi, l’auteure ne tombant pas dans les pièges inhérents à ce type de sujet. Elle a une approche très humaniste, ne tombe jamais dans le larmoyant. Par contre, en lisant ton billet, je réalise que j’ai quasiment tout oublié de l’intrigue et des personnages ..
je ne suis pas sûre également de bien me rappeler de l’intrigue d’ici quelques mois. Mais je pense qu’il me restera les thèmes essentiels de ce livre : l’opération au plus tôt pour « forcer » un genre, la projection des envies des parents dans le choix du genre…
oh oui tout un sujet…actuellement, il est interdit d’operer un hermaphrodite jusqu’a sa maturite….cela va etre a lui de choisir….et je trouve cela bien…
tout un livre oh oui…cela semble bien….sur un sujet assez fort….
oui le sujet est très fort, et génère de nombreux questionnements, notamment sur l’identité sexuelle…
Très beau sujet, j’ai beaucoup aimé l’idée de poser le roman dans les années 60 à la campagne… les personnages des parents surtout me restent en mémoire.
les personnages des parents sont en effet très contrastés et attachants…
Ce titre-là, on le voit régulièrement réapparaître sur le blogo et il interpelle à chaque fois qu’on lit à son propos. Ce style cotonneux dont tu parles, en tout cas, est très intrigant.
je ne sais pas si cotonneux est le meilleur terme…mais un peu brumeux, oui
Je n’ai pas grand chose à rajouter – sauf que ce livre a également été un coup de cœur (et qu’il est aussi resté trop longtemps sur ma PAL).
c’est vraiment un livre rare et marquant, en effet!
Il attend son tour dans ma pal celui-là !
dommage, tu ne participes pas au Mois Anglais!
Je ne suis pas sûre que ce roman me plairait malgré les ais assez positifs que j’ai lus.
le rythme et l’atmosphère sont assez particuliers, mais je pense qu’il pourrait te plaire
j’avais beaucoup aimé. Ce roman m’a touchée au plus haut point
j’ai apprécié le fait qu’il ne juge pas, et qu’il ne soit pas manichéen
Gros coup de cœur pour ce roman ! Un souvenir indélébile !
ce n’est pas un coup de coeur pour moi, mais un roman assurément marquant
La référence à Middlesex me plait bien car j’avais adoré ce livre, lu il y a quelques années. J’ai Annabel dans ma liseuse…
il faudrait que je le relise, d’ailleurs, car je me souviens l’avoir apprécié, mais sans avoir gardé en mémoire toutes les subtilités du récit…