Un certain Mr Piekielny – François-Henri Désérable

Après vous avoir fait part de ma déception avec « Ces rêves qu’on piétine » de Sébastien Spitzer, j’avais envie de vous faire part d’un coup de cœur inattendu, celui que j’ai eu pour « Un certain Mr Piekielny » de François-Henri Désérable.

Inattendu car j’avais élu le précédent roman de l’auteur, « Evariste », pire roman de l’année 2015! Je m’étais jurée de ne plus jamais lire François-Henri Désérable, et puis j’ai découvert que ce nouveau livre parlait de Romain Gary, et puis j’ai lu des avis vraiment enthousiastes, et puis…j’ai craqué.

Et puis…c’est un coup de coeur!

François-Henri Désérable se retrouve un peu par hasard à Vilnius. Avant de repartir, il se balade dans le centre-ville de la capitale lituanienne et tombe sur un immeuble arborant une plaque qui indique que Romain Gary y a vécu de 1917 à 1923, comme l’évoque « La Promesse de l’Aube ».  Il se remémore alors une phrase issue de ce roman: « Au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M. Piekielny ».

François-Henri Désérable, qui éprouve une véritable passion pour l’oeuvre de Romain Gary, décide alors d’enquêter sur ce fameux Piekielny. C’est cette enquête qu’il nous raconte dans ce récit…mais pas seulement. J’ai pensé plusieurs fois à Philippe Jaenada en lisant ce livre. Désérable ne digresse pas autant, mais il a une façon similaire d’inclure le lecteur dans son enquête, et il rend le récit très personnel en parlant de sa vie, et de son amour de la littérature. Et surtout, le texte est écrit avec beaucoup d’humour – certains passages sont vraiment très drôles.

Par exemple, lorsqu’un ami lui annonce que Modiano vient d’avoir le Prix Nobel: « Je levai les bras au ciel, comme si j’avais moi-même remporté le prix – en littérature comme en sport, on a le droit d’être chauvin. Puis je pensai à Philip Roth, que j’imaginai dans sa maison du Connecticut, levant non les bras mais les yeux au ciel, secouant la tête, la prenant entre ses mains et finissant par lâcher, incrédule : Patrick fucking who? »

Mais il n’y a pas que des moments drôles dans ce roman. « Un certain Mr Piekielny », c’est également l’histoire de l’élimination des Juifs de Lituanie. Il ne reste quasiment plus rien qui témoigne d’une présence juive à Vilnius, pourtant surnommée jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, « La Jérusalem de Lituanie » – les Nazis ont tué les Juifs, les Soviétiques ont détruit le patrimoine. J’ai vraiment été émue par le passage où l’auteur découvre que les pavés de Vilnius sont faits à partir de pierres tombales du cimetière juif.

François-Henri Désérable nous parle aussi bien sûr de Romain Gary, qui est partout dans ce livre, et dont il retrace le parcours : un écrivain culte, à la vie riche et mouvementée, mais aussi un auteur qui a beaucoup joué avec son lecteur, qui s’est créé une légende, notamment grâce à « La Promesse de l’Aube ». Et François-Henri Désérable joue lui aussi avec son lecteur: si j’ai eu des doutes sur certains passages du livre (sans savoir pour autant si j’avais raison de me méfier ou pas), je me suis fait rouler dans la farine à propos d’une scène mythique du livre, née de l’imagination de Désérable – je ne vous en dis pas plus pour ne pas vous gâcher le plaisir…

« Un certain Mr Piekielny » de François-Henri Désérable est un livre drôle, vif, malin, extrêmement plaisant à lire. Un bel hommage à Romain Gary et à la littérature. A Patrick Modiano aussi, car l’enquête sur Mr Piekielny n’est pas sans rappeler celle sur Dora Bruder, autre inconnue broyée par l’Histoire et dont il ne subsiste quasiment plus rien. Une excellente surprise, et un coup de coeur!

Publié en Août 2017 chez Gallimard, 272 pages.

32e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2017.

10 commentaires sur “Un certain Mr Piekielny – François-Henri Désérable

  1. Il ne me tentait pas du tout à sa sortie, mais à force de lire des avis très enthousiastes, j’en ai maintenant très envie ! J’attends son retour à la bibliothèque avec impatience.

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