Maria – Angélique Villeneuve

J’ai découvert Angélique Villeneuve il y a deux ans avec « Nuit de Septembre », un livre qui évoque le décès de son jeune fils. Et c’est un billet de Joëlle qui m’a vraiment donné envie de lire son dernier ouvrage, un roman nommé « Maria ».

Maria est une femme d’une cinquantaine d’années, qui vit avec William, son compagnon. De son mari, dont elle est veuve depuis longtemps, elle a eu une fille unique, Céline. qui a aujourd’hui la trentaine : mère d’un petit Marcus, âgé de trois ans, elle est de nouveau enceinte. Céline et son conjoint s’opposent aux stéréotypes de genre : Marcus a les cheveux longs, parfois coiffés en tresses, porte souvent des robes ou du vernis à ongle. Le petit garçon et ses parents utilisent de moins en moins le prénom Marcus, clairement masculin, mais plutôt « Pomme », prénom que l’enfant s’est choisi. Cela rend Maria perplexe mais provoque l’hostilité de William. Après l’accouchement, Céline et son conjoint refusent de révéler le sexe du bébé, qui porte le prénom de « Noun », même à Maria…

J’ai réalisé en faisant mon bilan du premier trimestre 2018 que je n’avais pas eu de coup de cœur depuis le début de l’année, et que, si j’avais eu des lectures intéressantes ou plaisantes, je n’avais pas véritablement été enthousiasmée par un ouvrage. Je suis ravie, car « Maria » m’a vraiment beaucoup plu, ce livre m’a accrochée dès le début et transportée. 

Maria est un personnage très bien incarné, à la croisée des chemins. Céline a pris une direction qu’elle ne comprend pas forcément, qui la perturbe, mais pour autant elle essaie de ne pas juger, et de ne pas aller à l’encontre des principes de sa fille. L’amour qu’elle porte à Céline, aux enfants, l’incite à tolérer cette façon de vivre. Mais la radicalité des parents lors de la naissance de Noun va faire voler la vie de Maria en éclats : William, excédé, s’en va. Céline et Thomas, son conjoint, se méfient de Maria car ils sentent qu’elle souhaite vérifier si le bébé est un petit garçon ou une petite fille. Maria, abandonnée par son compagnon, tenue à distance par sa fille, se retrouve isolée et perturbée, ce qui lui cause des problèmes au salon de coiffure où elle travaille depuis toujours.

L’écriture d’Angélique Villeneuve est tout en subtilité. Difficile de ne pas s’attacher à Maria, une femme finalement banale, mais qui possède une certaine sensibilité, aux oiseaux, aux couleurs, et qui est surtout portée par son amour, envers et contre tout, pour sa fille et ses petits-enfants. Si l’histoire évoque la théorie du genre, c’est finalement surtout la radicalité qui est au cœur du roman : Céline et Thomas vivent selon des principes qui vont à l’encontre de la tradition, mais qui posent des questions pertinentes – pourquoi la robe, la jupe, le maquillage, le vernis, le rose, les tresses sont-ils réservés aux petites filles? pourquoi nous semble-t-il important de connaître le sexe des personnes? Le problème est qu’ils ne sont pas dans la communication, la pédagogie, l’ouverture d’esprit. Si Maria ne pense pas comme eux, ne va pas dans leur sens, elle devient l’ennemie, en dépit de son amour, en dépit des liens familiaux. Il en va de même pour William qui, déstabilisé et contrarié, tire brutalement un trait sur des années de vie commune sans communiquer, sans essayer de trouver une solution, laissant derrière lui sa femme désemparée.

« Maria » d’Angélique Villeneuve est vraiment un très beau roman, un portrait de femme confrontée à la perte de son monde, et qui cherche à reconquérir ce qu’elle a perdu. Un livre court, mais pourtant riche, dense, profond. Une très belle lecture.

Publié en Février 2018 chez Grasset, 180 pages.

20e lecture de la Rentrée Littéraire de Janvier 2018.

Merci à NetGalley France pour cette lecture.

18 commentaires sur “Maria – Angélique Villeneuve

  1. Ravie de t’avoir fait découvrir ce roman!
    Et je suis d’accord avec toi la théorie du genre n’est pas le sujet principal, pour moi le sujet c’est le combat de cette grand mère évincée de la vie de sa fille et de ses petits-enfants par cette forme de radicalité.

  2. Je ne l’ai pas lu, je sens que je serais assez bousculée par cette radicalité, un peu vaine (et dans quelques années, ils en seront où?)(on le saura bien, si c’est garçon ou fille, non?) A part ça, je suis aussi agacée qu’on flanque du rose pour les petites filles!

    1. Marcus, le petit garçon, porte les cheveux longs, et parfois des tresses ou des robes, donc rien n’indique que le bébé,plus âgée, aura une apparence qui permettra de savoir si c’est un garçon ou une fille…mais effectivement, au-delà de la radicalité, le livre pose des questions intéressantes.

  3. Cool pour ton coup de cœur ! je parlais justement de la couleur « rose » ce midi et de ces vieux réflexes qui continuent à nous empoisonner mais la radicalité des deux côtés est forcément exclusive. La pauvre Maria .. est-ce que ce roman est dystopique ? Parce que même si sa fille et son gendre souhaitent effacer toute trace d’identité sexuelle (fille ou garçon), la société française est encore très traditionnelle (l’état civil par exemple), bref ils s’engagent dans un combat de longue haleine..

    1. ah non, le roman n’est pas dystopique du tout. Le sexe de l’enfant doit bien figurer sur les papiers officiels, c’est vis à vis de l’entourage que cette information n’est pas révélée.

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