Moi ce que j’aime, c’est les monstres (tome 1) – Emil Ferris

J’avais bien sûr entendu parler de « Moi ce que j’aime, c’est les monstres » d’Emil Ferris lorsqu’il a été publié en France, car sa parution a fait du bruit et l’objet de nombreux articles mais c’est surtout au Festival America que j’ai eu une épiphanie : Marie-Claude du blog Hop sous la Couette avait ramené son exemplaire canadien du roman graphique et avait très envie de le faire dédicacer mais il y avait une très longue file d’attente et elle devait se rendre à un rendez-vous…je lui ai donc proposé de me charger de la dédicace, et ayant feuilleté l’album, j’ai été conquise par les dessins et j’en ai profité pour acheter mon propre exemplaire, qu’Emil Ferris m’a également dédicacé!

Vous connaissez certainement ce roman graphique assez exceptionnel qui a collectionné les Prix un peu partout dans le monde, et qui a notamment reçu il y a quelques semaines le Fauve d’Or au Festival d’Angoulême, et sans doute aussi le contexte dans lequel il a été écrit : Emil Ferris, après s’être fait piquer par un moustique, a été victime d’une méningo-encéphalite qui l’a laissée paralysée et incapable de tenir un stylo…A force de rééducation, et de persévérance, elle a retrouvé l’usage de ses jambes et a réussi t à dessiner de nouveau. Elle est retournée à l’université et a commencé l’écriture de « Moi ce que j’aime, c’est les monstres ».

Ce n’est pas un roman graphique classique, on a plutôt l’impression d’ouvrir un gros cahier secret crayonné au bic, et d’entrer dans un monde à part. Et quelle beauté dans les dessins, quelle finesse, quelle complexité ! C’est typiquement un livre que l’on relit une fois que l’on connait l’histoire, juste pour se concentrer sur les dessins.

J’avais peur que ce livre soit une sorte de fantasmagorie sans récit construit mais il n’en est rien, l’histoire est passionnante et très maîtrisée. Elle se déroule à la fin des années 60. Karen Reyes, dix ans, vit avec sa mère et son grand frère Deeze. C’est une petite fille solitaire qui n’est pas très bien dans sa peau, et qui se réfugie dans sa passion pour les films d’horreur et les magazines de monstres. Un jour, sa voisine Anka Silverberg est retrouvée morte avec une balle dans le cœur. La version officielle dit que c’est un suicide, mais Karen n’y croit pas et décide d’enquêter.

Emil Ferris nous livre une intrigue haletante qui nous ramène en flashback, via des cassettes audio, dans l’Allemagne nazie où Anka vivait dans sa jeunesse. C’est un récit très riche, qui mêle enquête, dimension historique, drame familial et roman d’apprentissage, et qui est peuplé de freaks attachants : Karen se représente en mini-monstre et est amoureuse de son ancienne meilleure amie, son frère Deeze a le corps recouvert de tatouages et la famille Reyes est à moitié latino ; le protecteur de Karen à l’école ressemble à une version noire du monstre de Frankenstein ; Anka dans l’Allemagne nazie est juive et prostituée…

L’ouvrage est absolument magnifique : la couverture est superbe, avec une texture particulière, le papier est de qualité, les dessins sont incroyables et je suis admirative du travail de traduction (et de lettrage pour incorporer le texte français) qui a été réalisé.

Vous l’avez compris, l’histoire est formidable, les dessins sont à couper le souffle, et l’objet-livre sort vraiment de l’ordinaire ! Un roman graphique comme on en voit peu – voire jamais – à découvrir d’urgence ! Je ne sais pas quand le tome 2 va sortir, mais je l’attends avec une grande impatience…

Publié en Août 2018 chez Monsieur Toussaint Louverture, traduit par Jean-Charles Khalifa, 416 pages.

34e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2018.

6 commentaires sur “Moi ce que j’aime, c’est les monstres (tome 1) – Emil Ferris

  1. J’espère aussi que le tome 2 ne va pas tarder à sortir car j’ai très envie de lire la suite de cette oeuvre incroyable ! Comme toi, j’ai été enthousiasmée par le travail d’Emil Ferris et par la densité de son récit. C’est vraiment une oeuvre qui va marquer l’histoire de la BD.

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