Ce que je ne veux pas savoir – Deborah Levy

Je ne connaissais pas du tout l’autrice Deborah Levy, mais les avis enthousiastes de personnes de confiance, et l’attribution du Femina Etranger à ses deux récits, « Ce que je ne veux pas savoir » et « Le Coût de la Vie » m’ont vraiment donné envie de la découvrir, en commençant par ces deux textes.

Dans « Ce que je ne veux pas savoir », réponse au « Why I Write » de George Orwell, Deborah Levy est à la croisée des chemins : elle part à Majorque dans une pension de famille où elle a des souvenirs heureux, pour goûter à la solitude, prendre du recul, et se livrer à l’introspection.

Tout en s’interrogeant sur la place de la femme dans la société, et sur son impact sur l’écriture – en convoquant notamment Marguerite Duras ou Virginia Woolf, elle se replonge dans les événements marquants de son enfance. Deborah est née en Afrique du Sud pendant l’Apartheid : alors qu’elle et son frère sont tout jeunes, leur père est arrêté pour son implication dans l’ANC – il passera plusieurs années en prison. Deborah est trop jeune pour comprendre ce qu’est l’Apartheid, mais elle voit des enfants noirs de son âge fouiller les poubelles, sait qu’il est illégal de jouer avec la petite fille de sa nounou noire dont elle est très proche, et se demande pourquoi ces enfants noirs seraient plus dangereux que les adultes blancs de son école qui la rabrouent et la maltraitent. Malheureuse à l’école, Deborah prend l’habitude de parler très bas, de chuchoter.

Sa mère l’envoie vivre quelques temps chez sa marraine, à Durban. Celle-ci et son mari forment un couple afrikaner conservateur,  mais, paradoxalement, le séjour de Déborah va avoir un impact positif sur sa vie :  leur fille, la radieuse Melissa, va avoir une influence non négligeable sur le parcours de Deborah, en lui inculquant notamment qu’elle doit parler fort et faire entendre sa voix, tout comme Soeur Joan, l’institutrice de l’école religieuse l’encouragera à lire et écrire.

Après la libération du père, la famille Levy quitte l’Afrique du Sud pour s’installer en Angleterre : ce sera la découverte de l’exil, le décalage de mode de vie et de vocabulaire, le délitement de la famille avec le divorce des parents, mais aussi la confirmation du désir d’écrire.

J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre, et les thèmes évoqués. Le texte est court, ce qui rend la découverte de Déborah Levy accessible, mais c’est aussi un peu frustrant, car je suis parfois restée sur ma faim, j’aurais voulu en savoir plus que ce qui est raconté dans ces souvenirs-vignettes. Je suis allée plusieurs fois en Afrique du Sud dans le cadre de mon précédent travail, et je suis toujours intéressée par l’évocation de ce pays en littérature. J’ai souri quand Deborah Levy parle de « robot », le mot anglais sud-africain pour « feux tricolores » car ça m’avait frappée également ! Outre l’Afrique du Sud, les thèmes de l’exil, mais aussi de l’écriture et de la condition féminine, sont traités de façon très intéressante par l’autrice, et je me dis qu’il devient urgent que je lise « Une chambre à soi » de Virginia Woolf, récit auquel Deborah Levy fait plusieurs fois référence.

Je vous parle bientôt du second tome de cette « autobiographie vivante » (selon les termes de l’autrice) , « Le Coût de la Vie »: à noter que ce projet est en fait une trilogie, et qu’un troisième tome est prévu, « La propriété privée ». 

Publié en Août 2020 aux éditions du Sous-Sol, traduit par Céline Leroy, 144 pages.

17e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2020.

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