Après avoir lu la tétralogie des Déracinés (d’ailleurs le premier tome est un petit bijou que je vous conseille chaudement), j’étais très curieuse de lire le nouveau livre de Catherine Bardon. L’autrice reste en République Dominicaine et s’intéresse ici à un personnage ayant réellement existé, la fameuse « Fille de l’Ogre » du titre : Flor de Oro Trujillo.
La fille aînée du dictateur est née en 1915 alors que son père évoluait encore dans un milieu modeste, avec un physique rappelant ce que Trujillo voulait soigneusement cacher – un ancêtre noir haïtien. Vous ne trouverez pas beaucoup d’informations sur internet sur la vie de Flo de Oro, qui n’a rien accompli de particulier – ce n’était ni une politicienne, ni une artiste … et tout le talent de Catherine Bardon réside en la capacité de brosser le portrait d’une femme qui ne s’est illustrée qu’à travers autrui, son père … et ses neuf (!) maris, et d’en faire un livre passionnant.
L’angle du livre est bien celui de la vie de Flor de Oro, il ne s’agit pas ici d’écrire la biographie de Trujillo et de retracer les atrocités qu’il a commises. Flor ne juge pas, ne condamne pas, ne lutte pas, mais elle vivra sous la domination de son père, qui usera de tous les moyens possibles – argent, réseau, emprise, (meurtres ?)pour garder sa fille sous son contrôle. Celle qui pourrait être qualifiée de pauvre petite fille riche, et qui mènera une vie sentimentale mouvementée (même si son seul grand amour sera celui de sa jeunesse, son premier mari le play-boy Porfirio Rubirosa) n’en reste pas moins attachante – parce qu’elle n’est ni méchante ni profiteuse, parce qu’elle est faillible et enchaîne les erreurs, parce qu’elle cherchera l’amour toute sa vie, parce que son père détruira toute opportunité de stabilité et de bonheur qu’elle pourrait avoir.
« La fille de l’ogre » est riche de toute une galerie de personnages secondaires qui pourraient chacun faire l’objet d’une biographie. Un livre romanesque et flamboyant !
Publié en Août 2022 aux Escales, 368 pages.