Si l’on m’avait demandé quel serait mon livre préféré de la RL 2023, je n’aurais pas misé un kopeck sur « Les Voleurs d’Innocence » de Sarai Walker. Je n’avais en effet pas du tout accroché à Dietland de la même autrice (ni à son adaptation en série). Et pourtant… j’ai été happée par ce livre !
L’histoire commence dans les années 50 aux Etats-Unis. La famille Chapel, grand nom de l’industrie d’armement, vit dans une demeure bourgeoise ressemblant à un gâteau de mariage: le père, Henry, la mère, Belinda, et leurs six filles- Aster, Rosalind, Calla, Daphné, Iris la narratrice, et Hazel. Aster, 19 ans, est courtisée par un jeune homme qui la demande en mariage. C’est alors que Belinda, une femme particulière, hantée par les fantômes des victimes des armes vendues par l’entreprise de son mari, déclare qu’un danger menace et qu’il faut annuler le mariage. A part Iris, personne ne prend au sérieux la déclaration de la mère, issue d’une lignée de femmes toutes mortes en couches … et pourtant, Aster ne survit pas à son mariage, et ce n’est que le début d’une longue succession de drames.
J’ai adoré ce conte gothique qui questionne la place de la femme au sein de la société et au sein du couple. L’autrice prend son temps pour planter le décor – la demeure familiale, le lien entre les six sœurs, la prophétie de la mère, la chape de plomb du destin, le poids de la violence en héritage … et pourtant les pages se tournent toutes seules tant l’écriture est fluide et tant ce que propose Sarai Walker semble évident.
S’il y a plusieurs angles de lecture dans ce roman (la symbolique gothique et fantastique, la lecture féministe et sociétale ) et de nombreuses références littéraires et de artistiques, le récit est porté par un grand suspense et un souffle romanesque puissant.
J’ai été submergée par cette lecture, partagée entre le besoin de tourner les pages à toute allure pour en savoir plus, et l’envie de ralentir pour rester dans cette atmosphère prenante autour des sept femmes du roman.
Une réussite !
Publié en Août 2023 chez Gallmeister, traduit par Janique Jouin-de Laurens, 624 pages.
