La petite communiste qui ne souriait jamais- Lola Lafon

Derrière ce titre un brin mystérieux-enfin…à la parution du livre, car depuis on en a énormément parlé- se cache un roman sur la célèbre gymnaste roumaine Nadia Comaneci.

Lola Lafon, qui a vécu dans son enfance en Roumanie, a choisi de retracer l’histoire à la fois de la gymnaste la plus connue mais aussi de la Roumaine la plus connue, de son enfance à son arrivée aux Etats-Unis en 1989, en usant d’un procédé extrêmement efficace bien que troublant: se poser en tant que biographe de la jeune femme, avec des échanges fictifs (ce qui est clairement notifié dans le prologue) en fin de chapitres, où la gymnaste précise, clarifie, ou élude les épisodes décrits et l’analyse qu’en fait Lola Lafon.
Lola Lafon

Je dis troublant, car même si je savais que ces échanges étaient inventés, il m’était difficile de prendre la distance nécessaire avec les commentaires de Nadia Comaneci. En effet, le personnage est relativement mystérieux, et pour cause. Elle est parvenue à la célébrité mondiale en 1976 aux JO de Montréal en atteignant la note jusque là inédite de 10 en gymnastique…à l’âge de 13 ans.

On a donc fait d’une enfant de 13 ans un symbole…symbole sportif, bien sûr, mais aussi politique, envers l’Ouest, dans un contexte de guerre froide, mais aussi envers le bloc soviétique puisque la Roumanie avait en quelque sorte un statut d’électron libre face à la toute puissante URSS. La petite Nadia est donc supposée représenter son pays, et être irréprochable, que ce soit physiquement ou dans son comportement.
Le récit de Lola Lafon décrit très justement le contexte géo-politique des années 70 et 80, mais également le focus mis à la fin des années 70 sur les petites filles, puisqu’à l’Ouest également, on encense Jodie Foster ou Brooke Shields.
Nadia Comaneci est une enfant star, dont on attend qu’elle reste enfant. En effet une gymnaste aux airs d’adulte, aux formes épanouies, n’intéresse plus personne, et le poids, la silhouette de Nadia sont scrutés et largement critiqués, tout comme son comportement d’adulte, quand elle est proche du fils de Comaneci, ou est accompagnée en permanence d’un homme marié lorsque de ses premiers temps aux USA, comme si le fait d’être connue à 13 ans doit en faire toute sa vie un être pur et innocent.
A travers les échanges entre l’auteur et Nadia Comaneci, ce sont aussi les deux systèmes, capitalistes et communistes qui sont renvoyés dos à dos, sur la vision de la féminité, de la maternité, du sport en tant que vecteur de propagande avec le régime politique d’un côté et les sponsors de l’autre.
On sait finalement peu de choses sur Nadia Comaneci, que ressent-elle, quelles sont ses motivations, comment s’est-elle échappée de Roumanie? Et c’est aussi un trait que j’ai trouvé très pertinent dans ce roman de Lola Lafon: on peut être un personnage public, une célébrité mondiale, issue d’un pays extrêmement contrôlé et garder sa part de mystère.
« La petite communiste qui ne souriait jamais » est un roman que j’ai lu très rapidement car il m’a vraiment accrochée, je l’ai trouvé bien écrit, bien construit, avec des chapitres courts et pertinents, et j’ai apprécié qu’à partir de l’histoire d’une personne, l’auteur soit capable d’ouvrir le récit vers de nombreuses thèmes politiques, économiques et sociologiques qui m’ont passionnée.

C’est un livre que vous retrouverez dans la prochaine session de Bibliomaniacs.Publié le 8 Janvier 2014 aux Editions Actes Sud, 272 pages.

13 commentaires sur “La petite communiste qui ne souriait jamais- Lola Lafon

    1. c'est hyper intéressant…mais j'avais du mal à trouver le recul nécessaire pour me dire que les remarques venant de Nadia Comaneci étaient inventées par l'auteur et ne reflétaient pas forcément ses vrais points de vue…la fiction devenait facilement réalité dans ma tête.

  1. je le commence sous peu….j'espère qu'il me plaira autant qu'à toi parce que c'est une amie chère qui me l'a offert.
    (PS: maintenant que je vous ai écoutées une fois les, je trouve ça dommage que vous publiiez vos avis sur vos blogs avant la diffusion de l'émission, parce que du coup, on sait déjà les points de vue que vous avez sur les livres…bon je dis ça je dis rien)

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