Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive – Christophe Donner

Derrière ce titre intrigant se cache une citation d’Orson Welles au Festival de Cannes de 1968 et un roman qui parle de cinéma et notamment d’un homme flamboyant qui s’y est illustré en tant que producteur, Jean-Pierre Rassam.

Et quel formidable personnage… Une personne réelle qui vivait comme dans une œuvre de fiction: des origines exotiques, une énorme fortune à la provenance un brin mystérieuse qu’il dépense sans compter, des femmes à gogo, de la drogue, du poker, du chantage, des amis multiples et variés, une petite amie suicidée, une sœur avec qui il avait une relation fusionnelle, un père assassiné…
Christophe Donner retrace les années 60 et 70 du cinéma français, avec les débuts de ses « derniers nababs »: outre Jean-Pierre Rassam, Claude Berri qui, en épousant Anne-Marie Rassam, deviendra son beau-frère, ce qui les éloignera au lieu de les rapprocher, et  Pialat qui, quant à lui a pour maîtresse Arlette Langmann la sœur de Claude Berri… Tout ce petit monde crée, s’aime, se brouille et se déteste en famille. L’auteur évoque notamment les liens extrêmement fort de Claude Berri avec ses parents, et le triomphe du « Vieil homme et l’enfant » que je me souviens avoir vu toute petite, avec ses zones d’ombre, notamment le fait que le vieux monsieur qui avait caché la famille Langmann (le vrai nom de Berri) savait parfaitement qu’ils étaient juifs et ne faisait donc preuve d’aucun antisémitisme alors que l’oeuvre est présentée comme étant autobiographique.
Jean-Pierre Rassam

Entre coups de poker, chantages, alliances malheureuses, succès inattendus et échecs cuisants, le tout enrobé d’art, de politique et de gros sous, Christophe Donner met également en avant le métier de producteur que l’on retrouve assez peu dans les romans. Mais c’est surtout la grandeur et décadence d’un homme, Jean-Pierre Rassam, qui avait tout puis collectionnera les échecs à partir de sa tentative ratée de prendre le contrôle de Gaumont, pour finir par se suicider, ruiné. Un homme dont quasiment tous les proches se donneront la mort, que ce soit sa petite amie, sa sœur Anne-Marie, ou son neveu Julien.

 

Thomas Langmann, l'affranchi
Anne-Marie Rassam

J’ai trouvé le roman de Christophe Donner passionnant, même s’il est d’une grande tristesse, puisque personne n’en sortira indemne. L’ambiance un peu folle des années 60-70 est très bien rendue, comme un soufflé qui retombera méchamment par la suite. L’écriture est fluide, les personnages évoqués très intéressants, le contexte politique, entre Moyen-Orient, Mai 68 et durcissement de l’URSS, ajoute du piquant à cette période culturellement foisonnante…J’ai découvert après coup que l’anecdote de Claude Berri et Jean-Pierre Rassam faisant sortir de Prague assiégée par les Russes les fils jumeaux de Milos Forman était inventée, dommage car c’était un de mes passages préférés du livre. Donc attention à ne pas tout prendre pour argent comptant, il s’agit bien d’une fiction, même si elle est basée à 90% sur des faits réels.

18e contribution au Challenge 1% rentrée littéraire 2014 organisé par Hérisson, donc mon 3% est atteint!

 

challenge 1% 2014

3 commentaires sur “Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive – Christophe Donner

  1. J'aime bien ce genre de titre à rallonge et je trouve ton billet intéressant, comme doit d'ailleurs l'être le livre mais je ne crois pas que je me lancerai dans cette lecture, j'ai peur que ce soit trop pointu.

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