Pour ma 10e et dernière participation au Mois Américain 2015, j’en ai profité pour sortir un livre de ma PAL, où il était resté beaucoup trop longtemps, « L’Expérience Oregon » de Keith Scribner.
On y suit un couple, Scanlon et Naomi, qui vient d’emménager à Douglas, une petite ville de l’Oregon. Scanlon vient pour y enseigner le Sécessionisme et les mouvements de masse à l’université locale, et travailler sur sa thèse sur le même sujet. Naomi, qui est enceinte, a été traumatisée par deux événements : l’abandon de son premier enfant, quand elle avait dix-neuf ans, et la perte de son odorat, alors qu’elle était nez de profession. Douglas est un berceau de mouvements altermondialistes et anarchistes, et le siège d’un mouvement de sécession, un groupe de personnes qui souhaite que leur territoire devienne indépendant de l’Oregon et forme le 51e état des Etats-Unis. Scanlon cherche à s’intégrer à ce groupe afin d’obtenir du matériau de première main pour sa thèse, notamment par l’intermédiaire de Clay, un jeune anarchiste rencontré lors de leur déménagement, et de Sequoia, une jeune mère célibataire qui se bat pour devenir propriétaire du local dans lequel elle tient un café.
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Plusieurs histoires s’entremêlent dans « L’Expérience Oregon ». Scanlon et Naomi forment un couple à la croisée des chemins. Quand ils se sont rencontrés, Naomi était dans une situation de détresse, elle venait de perdre son odorat et n’arrivait pas à s’adapter à cette nouvelle vie sans odeurs qui ne lui permettait plus d’exercer son activité de nez. Scanlon a été sa bouée de sauvetage, son infirmier. Lorsqu’ils s’installent dans l’Oregon, l’équilibre de leur cellule familiale est bouleversé par l’arrivée du bébé. Une naissance qui perturbe d’autant plus Naomi qu’elle l’envisageait comme le moyen de se racheter de l’abandon de son premier enfant, qu’elle n’a jamais pu se pardonner. Naomi recouvre également l’odorat en arrivant dans l’Oregon, ce qui remet en question sa relation avec Scanlon, puisqu’elle n’est plus dépendante de lui, et sa domiciliation sur la Côte Ouest, puisqu’elle pourrait désormais reprendre sa carrière de nez à New York.
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On découvre également dans « L’Expérience Oregon » la lutte des habitants de Douglas pour s’émanciper du gouvernement, avec l’organisation de réunions, de manifestations, voire même avec des actes de terrorisme. Scanlon doit absolument publier des articles pour conserver son poste à l’université, et cherche à interviewer les acteurs de ce mouvement. Mais il a beaucoup de mal à conserver une distance universitaire ou journalistique, et s’implique de plus en plus dans le mouvement, devenant très proche de Sequoia, une jeune femme pleine de vie, adepte de la médecine naturelle, et qui malgré une apparente sérénité, reste traumatisée par une erreur de jeunesse – un traumatisme qui a rejailli sur sa propre fille, une enfant qui voit partout un « garçon cassé ». Scanlon croise souvent la route de Clay, un jeune déménageur anarchiste, qui lui aussi a connu son lot de malheurs, et qui depuis qu’il a aidé Naomi à accoucher, voue une véritable passion à la jeune femme.
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Keith Scribner excelle dans les descriptions de ce petit monde extrémiste, ce qui donne un ton très vivant au récit. Puisque Naomi a recouvré l’odorat après des années d’anosmie, les odeurs sont omni-présentes dans « L’Expérience Oregon », elles aident d’ailleurs Naomi à deviner les actions commises par chacun et les dangers potentiels, ce qui pourrait d’ailleurs faire une excellente base de romans policiers… Non seulement ce milieu sécessionniste est extrêmement intéressant, d’un point de vue politique et littéraire, mais les personnages sont vraiment bien incarnés et attachants, chacun devant gérer une erreur de jeunesse qui a changé sa vie, que ce soit Naomi, Sequoia ou Clay, pour lequel j’ai eu un coup de cœur. Tous se trouvent au bord de la faille, et ces quelques mois mouvementés les mettront face à leurs peurs et à leurs ambitions, et seront décisifs pour leur avenir. On sent l’attachement de l’auteur pour ses personnages, ce qui n’exclut pas l’ironie du récit. Les tribulations de Scanlon à l’université sont plutôt drôles tout comme ses parents divorcés, des sexagénaires complètement tordus.
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« L’Expérience Oregon » de Keith Scribner est un roman que j’avais envie de lire depuis longtemps, sans trop savoir à quoi m’attendre. Cette fresque, qui combine politique extrémiste, cheminement personnel, psychologie et amour, m’a beaucoup plu, et je lirais avec plaisir d’autres romans du même auteur s’ils venaient à être traduits en français. Il y a peu de livres qui se déroulent dans des milieux extrémistes, ce qui donne de l’originalité au roman. Une excellente surprise.
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Publié le 30 Août 2012 aux Editions Christian Bourgois, traduit par Michel Marny, en poche chez 10/18, 525 pages.
10e participation au Mois Américain 2015
J'avais beaucoup aimé ce roman aussi, et regretté qu'on ne le voie pas plus sur les blogs. Grâce à ce très bon billet, cela devait être réparé ! 😉
@ Kathel : c'est vrai qu'on a peu parlé de ce livre, et c'est bien dommage…merci pour ton commentaire 🙂
Je n'en ai jamais entendu parler ! j'avais beaucoup aimé un film mais le titre m'échappe qui traitait de ce sujet. je le note de suite !
Je l'avais commencé et je n'ai jamais pu aller jusqu'au bout. Je trouvais ça long et ennuyant. Pas pour moi.
Je n'en avais jamais entendu parlé, effectivement le sujet et le contexte sont originaux. Merci d'en avoir parlé !
Comme Gab, je n'ai pas pu aller jusqu'au bout. Pas pour moi non plus. Ça arrive!
ça m'intrigue beaucoup. Entre ton avis très positif et ces commentaires disant qu'ils l'ont abandonné en route, il y a de quoi titillé ma curiosité.
@ Jérôme : de quel côté vas-tu pencher? mystère 🙂
@Marie-Claude : ah ça m'étonne, j'aurais pensé qu'il t'aurait plu
@Titine : merci à toi pour l'organisation du Mois Américain, qui m'a motivée à le lire!
@Gabriel : ah zut! 🙁
@Electra : si tu retrouves le titre du film, ça m'intéresse
Je n'en avais pas du tout entendu parler, mais ton billet me donne envie de le découvrir. Merci pour la découverte !
Lu il y a plus de deux ans et j'en garde un très bon souvenir. Je l'avais beaucoup aimé. Le sentiment d'un livre qui vous enveloppe, vous tient chaud, vous protège.