Belfond réédite un livre autrichien publié en 1922: « La Ville sans Juifs » d’Hugo Bettauer, avec une préface d’Olivier Guez, l’auteur de « La disparition de Josef Mengele ». Hasard de lecture, « La ville sans Juifs » est mentionné à plusieurs reprises dans un ouvrage que j’ai lu en Octobre et dont je vous parlerai bientôt sur le blog, « Retour à Lemberg » de Philippe Sands.
Après la Première Guerre Mondiale et la dissolution de l’empire austro-hongrois, Vienne traverse une grave crise économique et sociale : prix qui s’envolent, chômage, crise du logement, instabilité politique…Les autorités trouvent alors la solution : pour sortir du marasme, il faut bannir tous les habitants juifs. C’est bientôt chose faite, mais une expulsion sans violence et avec une indemnité basée sur les dernières déclarations de revenus…Et ça marche! Enfin, durant quelques mois avant que privée des compétences des Juifs mais aussi de leurs dépenses, l’économie ne s’effondre, sans parler de la vie culturelle et intellectuelle de Vienne qui de capitale de prestige, devient une ville de péquenots. Même les filles de joie, qui ont perdu leurs meilleurs clients, doivent fermer boutique. Alors les Viennois commencent à regretter d’avoir expulsé les Juifs…
Cette fable de moins de deux cents pages est très agréable à lire, d’autant plus qu’en parallèle de la vie viennoise, on suit l’histoire d’un couple d’amoureux séparé par l’exil – le jeune homme, juif, part à Paris alors que sa fiancée chrétienne reste à Vienne. Hugo Bettauer se base sur la réelle difficile situation économique et politique de Vienne et sur la montée de l’antisémitisme pour imaginer ce qui n’était à l’époque qu’une satire, à la fin d’ailleurs heureuse. Adolf Hitler n’avait même pas encore commencé à rédiger « Mein Kampf » – écrit entre 1924 et 1925 durant sa détention – et les Nazis ne prendraient le pouvoir que dix ans plus tard.
Le livre sera un grand succès à sa sortie, et sera même adapté sur le grand écran. Mais Hugo Bettauer, qui était également un journaliste d’investigation et une personnalité controversée en raison de ses prises de position progressistes voire provocatrices pour l’époque, sera assassiné en 1925 par un homme proche du milieu nazi.
« La ville Sans Juifs » d’Hugo Bettauer est donc une vraie curiosité, un ouvrage qui, à l’époque de sa publication, était grinçant et ironique (et Bettauer ne se gêne pas non plus pour tacler les Juifs) , mais qui, lorsqu’on le lit quasiment cent ans plus tard, fait froid dans le dos pour son côté prémonitoire -mais sans le côté non-violent et la fin heureuse.
Réédité en Septembre 2017 chez Belfond, traduit par Dominique Autrand, 192 pages.
Ça donne froid dans le dos et m’intrigue fortement…
Elle est bien, cette collection chez Belfond.
je ne la connaissais pas, je la découvre avec ce livre!
Il est sur ma PAL, suite à une critique très élogieuse parue dans le journal local… et bien je n’ai plus qu’à len sortir bien vite, visiblement !
d’autant plus que ce roman se lit très vite, il est court et fluide!
oui très étrange quand on connaît le sort des Juifs …
si un jour je le vois à la BM …
tu l’auras vite lu, il est très court
Il me tentait bien celui-là. Ton billet le fait resurgir de ma pal…
comme je le disais à Electra, ce n’est pas ce livre qui va te consommer un grand temps de lecture!
Il était dans ma liste de la rentrée et après une telle chronique il va vite en sortir ! 🙂
et tu as bien raison 🙂