Je n’avais pas entendu parler de « La Fille du Roi des Marais » de Karen Dionne, mais j’ai remarqué ce roman dans le catalogue de NetGalley France et le résumé m’a intriguée.
Héléna est mariée et mère de deux petites filles. Si sa vie semble en apparence calme et normale, Héléna cache un lourd secret, que même son mari ignore. Il y a une trentaine d’années, une adolescente a été enlevée par un homme qui l’a gardée en captivité pendant quinze ans dans une cabane dans les marais. Héléna est l’enfant née de ces viols, qui a grandi avec son père et sa mère jusqu’à ses douze ans, avant de rejoindre le monde libre. Le père d’Héléna a finalement été arrêté et envoyé en prison, mais la jeune femme apprend qu’il vient de s’évader…Héléna est sûre qu’il va venir la retrouver. Elle sait également qu’elle est la seule à pouvoir l’affronter…
La lecture de « La Fille du Roi des Marais » a été une excellente surprise. Il y a trois contextes très intéressants dans ce livre. Le premier est la vie dans la cabane, que l’on découvre grâce à de nombreux flashbacks. A l’époque Héléna n’avait pas conscience que sa mère et elle vivaient en captivité, ayant toujours connu cette vie. Elle était fascinée par son père, un Indien Ojibwé avec qui elle passait beaucoup de temps, et qui lui apprenait à chasser. La mère, brutalement arrachée à l’adolescence par son kidnapping, cassée par les viols et les mauvais traitements, enfermée toute la journée dans la cabane à effectuer des corvées, vivait quotidiennement dans la peur. Sa relation avec sa fille était ambivalente, elle n’arrivait pas à lui prodiguer tendresse et affection, mais cherchait malgré tout à la protéger et à lui exprimer timidement son attachement. Le second est l’adaptation au monde, lorsque Héléna et sa mère ont recouvré la liberté. C’est là qu’Héléna a véritablement compris qu’elle avait vécu dans le mensonge durant toutes ces années : ses parents n’étaient pas un couple, ce père qu’elle admirait tant était un être pervers et malfaisant, cette mère soumise pour qui elle éprouvait un vague mépris était une victime – l’adolescente a dû également passer de la vie sauvage, tournant autour de la chasse et de la nature, à une vie structurée avec des règles, des lois, l’école, l’interaction avec les autres… Et le troisième contexte est celui de la confrontation père-fille : Héléna sait que son père s’est évadé pour la retrouver et qu’il la traque, ce qui crée une tension sourde jusqu’à la rencontre.
Ce roman est vraiment riche, il repose sur la personnalité d’Héléna mais aussi sur la relation hors normes qu’elle entretient avec son père. La vie dans la cabane est sans doute la partie la plus intéressante car la vision d’Héléna est totalement déformée par rapport à la réalité. C’est l’histoire d’une femme qui a dû tout apprendre à l’adolescence, et analyser tout ce qu’elle avait vécu jusque là selon le prisme du kidnapping, de la violence, et de la contrainte. Héléna n’est ici pas la victime, mais la fille de la victime et du bourreau, ce qui donne une vraie originalité au roman.
Je ne sais pas si « La Fille du Roi des Marais » est le premier roman de Karen Dionne, mais c’est en tout cas le seul qui est publié en français, et il est vraiment très prometteur! Le livre sera prochainement adapté sur grand écran avec Alicia Vikander dans le rôle d’Héléna. Une belle découverte!
Publié en Mars 2018 chez JC Lattes, traduit par Dominique Defert, 400 pages.
16e lecture de la Rentrée Littéraire de Janvier 2018.
Je l’ai beaucoup aimé aussi !! une bonne surprise !
on est d’accord 🙂
Belle découverte !
Voilà encore un billet qui donne envie de se précipiter sur ce roman !
Merci Pauline!
Voilà qui m’a l’air très prometteur !
je suis bien d’accord 🙂