Petite pause au milieu de la Rentrée Littéraire pour vous parler, une fois n’est pas coutume, d’un classique! Cela faisait longtemps que j’avais envie de lire « Aurélien », pour deux raisons : la première, non littéraire, parce que j’étais au collègue « Louis Aragon », et la deuxième parce que l’incipit de ce roman est l’un des plus connus : « La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide ».
Le début du roman se passe quelques années après la fin de la Première Guerre Mondiale. Aurélien est un jeune rentier qui ne sait pas vraiment quoi faire de sa vie. On comprend qu’entre l’armée et la guerre, il a passé huit ans de sa vie sous les drapeaux. Cette période aurait pu l’endurcir, le faire mûrir, mais le fait de ne pas pouvoir profiter de sa jeunesse lui a plutôt donné envie de rattraper les années perdues en s’étourdissant dans les soirées et les liaisons. Son entourage lui présente Bérénice, une jeune femme mariée et vivant en province, avec qui il a peu de choses en commun, et pour qui il éprouve peu d’intérêt. Pourtant, sous l’influence de leur entourage, Aurélien et Bérénice vont tomber amoureux…
J’ai eu du mal à entrer dans ce roman, en premier lieu en raison du style, plutôt classique mais avec ça et là des expressions populaires, un peu comme si un bourgeois cherchait à s’encanailler. Les adeptes du droit au but grinceront également sans doute des dents car Aragon semble avoir eu beaucoup de temps pour écrire : si le fil conducteur est la romance entre Aurélien et Bérénice, le récit est très bavard, avec beaucoup de personnages, d’intrigues secondaires, d’histoires de salon, de coucheries, de famille, d’entreprise…mais aussi de parenthèses, comme celle, très réussie, où Aurélien va nager à la piscine d’Oberkampf et, débarrassé de ses vêtements de bourgeois et muni d’un prénom d’emprunt, se mêle aux ouvriers, une réminiscence des années de guerre où les classes sociales étaient mélangées.
Mais passé les cent cinquante premières pages, pour s’habituer aux styles et aux personnages, et s’attacher au personnage d’Aurélien, moins superficiel et léger qu’il n’y parait, ce roman a été un vrai plaisir! Le livre étant relativement long, il vaut mieux avoir devant soi de bonnes plages horaires pour ne pas trop fragmenter la lecture. Il y a un côté collégien dans la romance entre Aurélien et Bérénice. En effet ils n’auraient sans doute jamais été intéressé l’un par l’autre si l’entourage n’avait pas créé cette attirance de toute pièce et ne l’avait pas attisée en jouant les entremetteurs. Et puis, c’est une histoire empêchée, qui ne dure pas longtemps, où il ne se passe pas grand chose, qui se nourrit beaucoup de virtuel, de fantasmes…et qui pourtant marquera Aurélien et Bérénice à jamais.
« Aurélien » est un roman plaisant, parfois drôle, souvent léger…mais une légèreté dans laquelle la mort n’est jamais loin, comme ce masque de la Noyée de la Seine pour lequel le jeune homme éprouve une véritable fascination. Même si l’on aborde à peu près tous les thèmes sauf la géopolitique, c’est un roman qui se situe dans l’entre-deux-guerres, ce que ne manque pas de nous rappeler l’épilogue qui se situe dix-huit ans après la fameuse rencontre entre Aurélien et Bérénice, en 1940, en pleine débâcle.
Un classique qui s’adresse plutôt à des bons lecteurs vu la longueur du roman, la multitude des personnages et le côté foisonnant mais qui, si on s’accroche un peu au début du récit, reste néanmoins très accessible. Et puis, Aurélien et Bérénice sont certes agaçants mais quand même attachants! A lire!
Publié en 1944 chez Gallimard, disponible en poche chez Folio, 635 pages.
Et vous pouvez retrouver « Aurélien » dans notre podcast littéraire Bibliomaniacs de Juillet 2018 ici.
Je l’avais étudié et aimé durant mes études, j’ai voulu le relire l’an dernier, eh bien je n’ai pas réussi à rentrer dedans ! Je l’ai remis de côté
c’est souvent le problème quand on relit un livre longtemps après…on n’accroche pas forcément de la même manière!
Lu à l’université. J’en ai pensé beaucoup de bien.
C’est bien de s’extraire pour un moment de la rentrée!
yes, surtout pour moi qui lis peu de classiques ! cela dit, là je suis en plein dedans, et d’ailleurs plus dans le cadre du Festival America que dans le contexte purement rentrée!
Merci de mettre à l’honneur des classiques, ça fait du bien dans cette rentrée littéraire !
D’Aragon je ne connais que ces poèmes que j’aime beaucoup. Je ne connais pas encore son(ou ses) roman(s) et ce que tu en dis me plait beaucoup !
c’est vrai qu’il est plus connu pour ses poèmes que pour ses romans, mais d’après wikipedia-mon-ami, il semble en avoir écrit une bonne dizaine !
Une bonne dizaine?! Oups je ne connais pas bien mon Louis 🙂
c’est ce que dit Wikipedia 😀
Que j’avais aimé ce roman ! Comme tous ceux d’Aragon, d’ailleurs. Il faudrait que je le relise. Je me souviens encore de la première phrase : La première fois qu’Aurélien vit Bérénice il la trouva franchement laide.
Merci pour votre article. Bonne journée.
merci pour votre commentaire et très bonne journée à vous également !
J’ai plutôt aimé Bérénice mais oui, Aurélien m’a profondément agacé. Pour moi, c’est davantage un roman sur comment on peut rater sa vie en rêvant à ce qu’on n’a pas qu’un roman sur l’amour. Je l’ai lu cette année, peut-être aurais-je dû le lire à l’adolescence.
tout à fait, une grande partie de cette histoire d’amour est complètement fantasmée et virtuelle !