Repose-toi sur moi – Serge Joncour

J’avais beaucoup aimé le précédent livre de Serge Joncour, « L’écrivain national », pourtant je ne me suis pas précipitée sur son nouveau roman, « Repose-toi sur moi ». Le résumé ne me tentait pas vraiment, me faisant un peu trop penser au « Mec de la tombe d’à côté » de Katarina Mazetti. Il a fallu que le magazine LIRE l’élise « Meilleur roman français de 2016 » pour que je me décide enfin à le lire. Verdict?

« Repose-toi sur moi », c’est une histoire d’amour entre deux voisins que tout semble éloigner en théorie. Aurore, la trentaine, a une vie parfaite sur le papier : mariée à Richard, un entrepreneur américain, elle a des jumeaux de six ans, un grand appartement parisien, et est une styliste renommée. Pourtant, son entreprise, qui porte son nom, connait des difficultés sérieuses: des commandes ont été annulées, d’autres tardent à être payées, et ses fournisseurs ont des problèmes de qualité. Pire encore, elle soupçonne son associé de toujours de vouloir l’escroquer afin de la déposséder de son entreprise. Certes, elle pourrait en parler à Richard, qui mettrait immédiatement son cabinet d’avocats sur le coup, mais devant cet homme à qui tout réussit, elle n’arrive pas à avouer ses peurs et ses échecs. Ludovic, quant à lui, est un ancien agriculteur d’une quarantaine d’années qui a souhaité quitter la campagne à la mort de sa femme. Ce colosse, grâce à son réseau d’ex-rugbyman, s’est reconverti dans le recouvrement de dettes, et sous-loue un petit appartement dans le même immeuble qu’Aurore. C’est une invasion de corbeaux, oiseaux dont Aurore a une peur bleue, qui va rapprocher la styliste raffinée et le grand gaillard mal attifé.

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Serge Joncour

J’ai retrouvé dans « Repose-toi sur moi » le talent d’écriture de Serge Joncour. Le récit est fluide, accrocheur, addictif, et ce roman se lit vraiment très bien. Je me suis sentie bien en compagnie d’Aurore et Ludovic, et de leur amour naissant. On sent une vraie tendresse de l’auteur pour ses personnages, et cela se voit lors des scènes de tendresse et de sexe, qui sont très bien écrites. J’ai par exemple beaucoup apprécié la scène où ils partent en balade et vont au restaurant, où le restaurateur et les autres clients les prennent pour un « vrai couple ». Serge Joncour semble aimer écrire sur des histoires d’amour un peu décalées, des histoires qui n’étaient pas censées commencer, avec des gens mal assortis. Il profite également du roman pour évoquer des thèmes qui lui tiennent sans doute à cœur : le surendettement, l’usage des pesticides, la mondialisation…Aurore trouve en Ludovic ce qui lui manque dans son couple : une oreille attentive, une indignation qui ne l’humilie pas, une réponse humaine – même si elle passe par la force – et non par avocats interposés, et surtout le fait de n’être vue qu’en tant que femme et non en tant qu’épouse, mère et entrepreneuse. Elle est pour Ludovic l’étincelle qui le fait enfin sortir de son deuil et redevenir un homme de chair et de désir. C’est quelqu’un qui aime aider, porter, protéger, et justement Aurore a besoin d’être aidée, portée, protégée. On se demande d’ailleurs parfois si Ludovic n’est pas manipulé par cette femme sur la corde raide, à la fois prête à tout pour sauver son entreprise et paralysée à l’idée de demander de l’aide à son mari qui lui n’est pas puissant physiquement mais l’est par son réseau, sa richesse, et son influence.

« Repose-toi sur moi » est donc une belle histoire d’amour, tendre et enveloppante. J’ai quand même regretté la fin ouverte – je n’aime pas vraiment ce procédé, quand l’auteur nous laisse choisir ce que nous avons compris et comment nous imaginons la suite, un peu facile à mes yeux. Est-ce pour autant le meilleur roman français de l’année? Par pour moi, en tout cas. Si cette lecture a été très agréable – et c’est une qualité que je valorise vraiment- rien de bien nouveau sous le soleil : des contraires qui s’attirent, un côté « Belle et la Bête », la ville rencontre la campagne…ceci a déjà été maintes fois traité, même si encore une fois Serge Joncour tire son épingle du jeu. Rien de vraiment révolutionnaire, marquant ou bouleversant, même si ce roman un peu doudou fait du bien. Une jolie lecture à lire en hiver sous la couette, mais pas la claque que j’espérais. 

Publié en Août 2016 chez Flammarion, 427 pages.

33e lecture de la Rentrée Littéraire 2016

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21 commentaires sur “Repose-toi sur moi – Serge Joncour

  1. J’ai trouvé le roman précédent sympathique mais sans plus. Le sujet de celui-ci me semble tout aussi superficiel et léger, je m’étonne franchement qu’on puisse en faire le livre de l’année… de l’année ? Vraiment rien au-dessus d’une « belle histoire d’amour tendre et enveloppante » en 2016 ?

  2. Je n’ai pas encore lu Serge Joncour, même le précédent dont le sujet m’attire davantage et bien que l’ayant trouvé très sympathique à chacune de ses apparitions dans les médias. Ce qui m’interroge c’est cette histoire de meilleur roman de l’année. Est-ce que les journalistes de Lire y croient vraiment eux-mêmes ? Ou bien est-ce que c’est le livre semblant le mieux convenir à l’idée qu’ils se font de leur lectorat, c’est-à-dire des lectrices de romans traditionnels aux sujets sentimentaux, des romans confortables et surtout pas déstabilisants ? Quelquefois je trouve que le monde du livre en général, y compris les éditeurs donc, nous tire un peu tous vers le bas. C’en est presque vexant ! 🙂

    1. Je suis d’accord avec toi, l’auteur a l’air très sympathique!
      En ce qui concerne le palmarès de LIRE, je suis un peu étonnée car pour les autres rubriques je suis grosso modo d’accord avec leur choix…

    1. oui, plus on attend pour lire un livre plus la barre est haute, entre les prix et les billets positifs – difficile d’être neutre sauf à lire un livre avant même qu’il ne soit sorti…(et encore)

  3. C’est bizarre, mais même son titre de premier n’a pas suffit à m’attirer ! et ton billet me conforte dans l’idée de passer mon chemin – je parle dans mon bilan d’un livre « doudou » mais pas avec enrobé de guimauve comme ici. C’est vrai, comme le dit Anna qu’on est parfois étonné des prix littéraires – comme j’avais trouvé assez maladroit (l’écriture) le roman sur Harry Québert .. et pourtant il a été encensé partout ..

    Bon j’attends ton bilan de l’année ! tu as eu pas mal de coups de coeur cette année 😉

    1. Pour Harry Québert, je comprends tout à fait son grand succès public – d’ailleurs, il m’a tenue en haleine et j’en garde un très bon souvenir, et je reconnais que Joel Dicker a une écriture très addictive, mais ce n’est clairement pas un roman « littéraire », et comme toi je me suis étonnée qu’il reçoive le prix de l’Académie Française!
      Je vais aller voir de ce pas ton bilan trimestriel! (là je prépare le bilan de la rentrée de Janvier 2016 avant de passer à celle de Janvier 2017, le bilan annuel sera publié tout début Janvier…)

  4. Ce roman de la rentrée littéraire ne m’attirait pas du tout, même si tout le monde a encore l’air de l’encenser ! Peut-être que je me laisserai tenter, mais seulement si je le trouve en bibliothèque. Je ne sais pas pourquoi mais je m’attends à un truc super mou !

  5. J’ai aimé les livres que j’ai lus de cet auteur. Du coup je l’ai réservé à la médiathèque mais comme il y a trois personnes avant moi à l’avoir réservé, je ne suis pas près de l’avoir entre les mains. Pas trop grave, j’ai encore de nombreux livres en attente.

  6. Très très belle chronique sur ce roman que j’ai terminé hier : le premier que j’ai lu de cet auteur.
    Bien que j’ai passé un bon moment de lecture, la fin ouverte m’a déplu…

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