« Le Voyage de Marcel Grob », écrit par Philippe Collin et illustré par Sébastien Goethals, est une bande dessinée que j’ai offerte à mon père pour son anniversaire…et que je lui ai empruntée car le thème de cet ouvrage m’intéressait fortement.
Marcel Grob, un homme âgé, est arrêté en pleine nuit à son domicile et transféré devant un juge et sa collègue qui l’interrogent sur son passé, et notamment sur son intégration en Juin 1944 dans les Waffen-SS. Marcel Grob se défend d’avoir été un engagé volontaire : il était un « Malgré-Nous », comme beaucoup d’Alsaciens et Mosellans de son âge, incorporé de force dans l’armée allemande…Il se remémore ces quelques mois dans la Waffen-SS, un voyage qui le conduira notamment en Italie, à Marzabotto…
Etant Lorraine, je sais ce qu’est un Malgré-Nous, mais ce n’est pas forcément une notion connue de tous et abordée régulièrement en littérature – peut-être parce que le sujet peut sembler gênant ou tabou? – et cette bande dessinée était donc la bienvenue pour explorer ce thème à travers l’histoire de Marcel Grob. Le jeune homme est né en 1926 et à ce titre, est incorporé de force, comme toute sa classe d’âge d’Alsace et de Moselle, dans l’armée allemande – cette classe d’âge devra d’ailleurs fournir 10 000 hommes à la Waffen-SS et Marcel en fera partie. Pour éviter refus ou désertion, les familles sont menacées – les parents de ceux qui ne rejoindront pas l’armée allemande seront arrêtés, fusillés ou déportés. L’armée allemande a besoin d’hommes pour renforcer ses rangs, et les Alsaciens et Mosellans incorporés, nés après 1918 donc Français mais dont les parents sont nés Allemands pendant l’annexion, parlent le plus souvent parfaitement allemand…En revanche, les autorités nazies se méfient de la loyauté des Alsaciens-Mosellans, et ceux-ci seront le plus souvent envoyés sur le front de l’Est, dans des unités où ils ne sont pas majoritaires, pour éviter la désertion ou le ralliement à l’ennemi.
La BD montre très bien ce processus, et aussi la jeunesse de ces incorporés de force, qui se retrouvent confrontés à des situations extrêmement violentes qui leur échappent. Marcel, quant à lui, n’est pas envoyé sur le front de l’Est mais en Italie, et participera au massacre de Marzabotto – un village rayé de la carte avec des milliers de morts, dont une grande partie de femmes et d’enfants (un massacre que je ne connaissais pas mais qui fait penser à celui d’Oradour sur Glane)
J’ai été déstabilisée au début du récit par les propos du juge et de sa collègue, que je trouvais vraiment étranges, mais j’ai compris par la suite pourquoi les dialogues me semblaient en décalage avec une procédure juridique. Je n’ai pas non plus totalement accroché au style des dessins, mais c’est un avis très personnel, qui ne diminue pas l’intérêt de cet ouvrage. En effet, la bande dessinée « Le voyage de Marcel Grob » a le recul nécessaire, elle ne fait pas de Marcel un enfant de chœur, elle n’élude pas non plus les scènes et actes horribles, mais replace le jeune homme et sa situation dans le contexte de l’époque. Le récit raconté est passionnant et en outre, l’ouvrage a un réel intérêt historique, renforcé par un livret explicatif à la fin de la bande dessinée.
A découvrir !
Publié en Octobre 2018 chez Futuropolis, 192 pages.
39e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2018.
Voilà un fait historique peu connu ailleurs que dans le Grand Est …
Les Malgré Nous, ce sont 130 000 Alsaciens-Lorrains qui ont été enrôlés de force dans l’armée allemande.
20 000 sont morts sur le front de l’Est.
Près de 15 000 ont été faits prisonniers par les Russes, et internés dans des camps, en particulier au camp de Tambov, dans des conditions tellement effroyables que beaucoup sont morts sur place .
Une salle est consacrée aux Malgré Nous dans un musée historique, le « Mémorial de l’Alsace-Moselle », situé à Schirmeck, à une cinquantaine de kilomètres de Strasbourg, tout près de l’ancien camp de concentration du Struthof (dont la visite m’a bouleversée …)
merci Pauline pour ces indications, je ne connais pas ce musée, et je ne suis jamais allée au Struthof, seulement à Auschwitz
J’ai trouvé cette bande dessinée très intéressante, notamment toutes les questions autour du massacre de Marzabotto ou d’autres actes atroces commis à cette époque là. Si tu as un peu de temps devant toi, les interview de Philippe Collin dans différents médias au moment de la sortie du livre apportent un bon complément.
merci Saxaoul, je vais chercher ses interviews !
On me l’a offert dédicacé à Angoulême. J’ai hâte de m’y plonger !
alors, en plus s’il est dédicacé…