« La Maison », troisième livre d’Emma Becker est un récit autobiographique sur un sujet clivant : la prostitution. Plusieurs personnes dans mon entourage ont d’ailleurs refusé de le lire, choquées par le thème et surtout par l’angle de ce livre, puisqu’il s’agit de prostitution choisie. En effet, l’auteure, qui vit à Berlin, a fait le choix de travailler dans une maison close pendant 2 ans. Elle s’était prostituée de façon ponctuelle à Paris, et voulait pratiquer la prostitution en Allemagne, par envie personnelle mais aussi parce que le sujet l’intéressait du point de vue littéraire. La prostitution est en effet légale en Allemagne, les prostituées ont un numéro d’immatriculation, paient des impôts, et les maisons closes sont régulièrement inspectées.
Emma Becker le précise : elle ne fait pas l’apologie de la prostitution. Beaucoup de femmes dans le monde sont forcées à se prostituer, par des personnes extérieures ou par leur situation financière. Ce n’est pas le cas de l’auteure, qui souhaite explorer sa sexualité et gagner de l’argent rapidement tout en ayant du temps libre pour écrire. Elle parle ici de son expérience personnelle, de prostitution volontaire, dans un cadre légal, et compare d’ailleurs la situation allemande avec la situation française où la clandestinité entraîne violence et marginalité – même une prostituée qui exercerait dans des conditions sécurisées et qui gagnerait des sommes conséquentes ne pourrait pas déclarer cet argent, payer des impôts , obtenir des fiches de paie, et auraient par exemple des difficultés à louer un appartement sans passer par un tiers.
Je n’ai pas lu les deux premiers livres d’Emma Becker mais je les ai feuilletés et j’ai été très agréablement surprise par l’écriture qui a gagné en maturité. J’ai trouvé ce récit très bien écrit, avec un vrai style littéraire. Le thème est vraiment intéressant, Emma Becker, qui a une personnalité complexe, parle de son quotidien : le fonctionnement de la maison close, les relations avec les autres prostituées, les clients, mais aussi sa vie avec ses sœurs, le regard des autres (elle explique qu’elle assume complètement son activité, mais que gérer le jugement des autres est compliqué)… L’auteure explore ce sujet sans tabou mais sans exhibitionnisme non plus – il y a bien sûr quelques scènes de sexe, mais qui représentent peut-être en tout une dizaine de pages sur la totalité du livre.
J’aime les livres qui génèrent des questions et qui peuvent me faire changer d’avis sur certains aspects, et c’est le cas de « La Maison ». C’est un récit riche, qui explore un sujet complexe tout en restant fluide et littéraire. Un livre qui mérite que l’on dépasse ses préjugés.
Publié en Août 2019 chez Flammarion, 384 pages.
26e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2019.
j’avoue que je l’ai vue à LGL et que son discours ne m’a pas plu. Et puis sans doute parce qu’hier un reportage a bien expliqué qu’en France 95% de la prostitution n’est pas choisie, une majorité d’étrangères dont on retient les passeports, une dizaine de prostituées tuées chaque année… donc je n’ai pas envie de lire le récit d’une femme privilégiée (française, éduquée, etc.) qui a juste voulu se faire un petit délire en testant les rapports tarifés. J’appelle ça une escort girl mais pas une prostituée …désolée si mon avis tranche un peu …. 😉
ah mais je comprends tes réserves. (Je n’ai pas vu LGL). Effectivement elle parle d’une certaine forme de prostitution (je considère que l’escorting est de la prostitution) qui n’est pas représentative de la majorité des cas. Une des questions, qui est soulevée dans le livre, mais non traitée, c’est : est-ce que dans un pays où la prostitution ne serait pas illégale et/ou le client ne serait pas pénalisé, cela permettrait d’éviter le trafic humain et les violences..
Moi ça m’intéresse au contraire, peut-être justement parce que sa démarche ma choque aussi. Je suis curieuse de la lire.. j’ai offert ce titre à ma fille pour Noël, j’attends son avis ..
le livre est très bien écrit et vraiment intéressant – elle ne cherche pas à choquer ou à être impudique, j’ai trouvé au contraire que son récit était très construit, avec une vraie réflexion. En tout cas, ça interpelle, et pose question.
J’ai vu l’auteure à La Grande Librairie et j’avoue avoir aimé son discours. Il est vrai que côté français on ne connaît que la prostitution illégale, forcée, précaire, je pense que c’est pour cela qu’on a du mal à accepter que dans certains pays ce soit légal et très bien encadré, « propre » si je peux dire ça comme ça (alors que chez nous c’est « sale »). Ce genre de livre ne me tente pas, mais sa sortie m’a fait connaître ce pan de l’Allemagne.
je pense que même dans un cadre légal, il doit y avoir des situations très glauques et des histoires terribles…
mais j’ai vu l’émission de LGL (hier) et ce qu’elle y dit est en phase avec ce que j’ai lu dans le livre.
Ce livre fait définitivement beaucoup parler de lui… et les avis sont tranchés. Les chiffres par rapport à la prostitution (souvent non choisie) me font un peu peur mais je serais curieuse de voir comment ça peut se passer dans un contexte plus légal et encadré. Je ne sais pas si je lirai le livre, par contre! We’ll see!
j’ai hésité à le lire mais je l’ai trouvé vraiment bien écrit et intéressant… un récit qui sort de l’ordinaire.
J’ai moi aussi beaucoup aimé ce livre et l’ai trouvé très bien écrit. La démarche est dérangeante et je suis loin d’y adhérer, mais le passage de l’auteure à LGL m’a rendu très curieuse et je n’ai pas regretté ma lecture. Elle soulève de vraies questions qui méritent réflexion. Et les femmes du roman sont très attachantes. J’y repense souvent.
oui, un livre fort et marquant !
Il s’agit avant tout d’un livre, bien ou mal ecrit. La morale n’a rien à voir à l’histoire, pour paraphraser Oscar Wilde.
Or, ce livre est effectivement bien écrit.
Et Emma Becker ne fait pas l’apologie de la prostitution non choisie.
Merci Eva.
Merci à toi 😉