Profitons de sa sortie en poche pour découvrir le témoignage de Ginette Kolinka (oui, la mère du batteur de Téléphone), « Retour à Birkenau ». Ginette, née Cherkasky, est une jeune fille qui a grandi dans une famille nombreuse – elle est la plus jeune de six sœurs et a également un petit frère, Gilbert – et elle travaille sur les marchés. Alors que la famille, parisienne, est réfugiée à Marseille, quelqu’un les dénonce et Ginette, son père, son frère et son neveu sont arrêtés et envoyés à Drancy, puis Birkenau en Avril 1944. Ginette sera plus tard transférée à Bergen-Belsen puis à Theresienstadt, où elle sera libérée par les Russes.
Le témoignage de Ginette est celui d’une jeune fille normale, « lambda », confrontée à l’horreur. Elle a dix-neuf ans quand elle est déportée, a grandi dans une famille modeste, n’est pas une intellectuelle, ne fait pas de politique, n’a pas de réseau. Elle raconte le quotidien du camp où tout est à la fois compliqué et vital dans ce contexte de déshumanisation : « organiser » une écuelle, trouver une ficelle pour attacher sa cuillère… »(…)le camp, c’est la faim. Je crois même que c’était ma seule obsession », se vêtir correctement – Simone Veil, détenue en même temps qu’elle (comme Marceline Loridan-Ivens) lui donne une robe : « sans elle, je me serais sans doute laissée…perdre le moral, c’est précipiter la mort ».
Le livre est court, très accessible et pourtant tellement pertinent. Outre le récit de sa déportation, Ginette Kolinka raconte également en quelques paragraphes l’après : la douleur d’avoir perdu son père, son frère, son neveu, de ne leur pas avoir dit au revoir car elle pensait qu’ils se retrouveraient quelques heures plus tard, les trois longues années avant de recouvrir la santé, mais aussi la joie d’être avec ses sœurs, et le bonheur de fonder une famille : « j’ai eu cette chance de revenir et de reprendre vite une vie normale, et d’être très heureuse ».
Et puis il y a l’action de témoigner, arrivée un peu par hasard, via un appel de la fondation de Steven Spielberg, puis à un remplacement au pied-levé, et le retour à Birkenau, où elle ne reconnait rien : « je vais là-bas, et c’est rien, un lieu tout à fait ordinaire, un faux lieu. Birkenau, maintenant, c’est un décor. Quelqu’un qui n’en connait pas l’histoire peut ne rien voir ». Le contact avec les élèves, l’envie de témoigner, de passer le flambeau aux nouvelles générations, est ce qui la meut, et la conduit d’école en école à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans.
Un très beau témoignage, direct, sincère, honnête, à lire absolument !
Publié en Mai 2019 chez Grasset, disponible au Livre de Poche, 96 pages.
Bien sûr que c’est à lire absolument!!!
je suis bien d’accord !
Cette sortie en poche est une très bonne nouvelle.. il va maintenant falloir patienter, le temps que les librairies soient de nouveau ouvertes !
exactement !
Je rejoins Inganmic …
moi aussi je fais ma liste pour l’après-confinement